Géopolitique

En Moldavie, la grande Europe pour la paix

 Bulboaca, nom moldave inconnu du grand public, mais pas des 45 chefs d’Etat qui ont séjourné ce jeudi 1er juin dans le magnifique domaine viticole remodelé en fastueux complexe hôtelier, à 35 km de la capitale de Moldavie, Chisinau. Très symboliquement, le beau château du XIXe siècle qui accueille le deuxième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) est aussi à 20 km seulement de la frontière ukrainienne. Dès lors, la présence de Volodymyr Zelensky à l’événement ne faisait plus aucun doute, bien qu’elle fût confirmée sur le tard puisque gardée secrète jusque-là comme il est d’usage depuis le début de la guerre. 

L’organisation de cette Communauté politique européenne fut proposée en mai 2022 par Emmanuel Macron dans l’objectif d’inciter ses participants quarante-cinq membres à faire front commun face à la Russie. Ils étaient 44 pays présents en octobre, 45 ce 1er juin : exit la Russie, la Biélorussie mais aussi la Turquie, absente de l’événement après la réélection de son indéboulonnable chef d’État. Deux grand volets d’« efforts conjoints pour la paix et la sécurité » et de « résilience énergétique, connectivité et mobilité en Europe » ont structuré la rencontre dans les grandes lignes.

Pour une Europe des 35 ou 36

« L’Europe des 28 » n’est plus qu’un lointain souvenir. Du fait du Brexit, dans un premier temps, mais surtout car la réunion fut l’occasion pour – entre autres – Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron d’afficher leur ambition de porter ne nombre de membres de l’UE à 35 voire 36 pays.

Pour le président ukrainien, « tous les pays européens qui ont une frontière avec la Russie et qui ne veulent pas que la Russie leur arrache une partie de leur territoire doivent être membres à part entière de l'OTAN et de l'UE », l’OTAN et l’UE étant comme à l’accoutumée considérés ensemble, l’un semblant la continuation logique de l’autre s’agissant de sécurité. Tout aussi logiquement, ce sont bien des F-16 et non des Euro fighters ou d’autres avions européens que le président ukrainien a de nouveau demandé publiquement, juste avant le prochain sommet de l’OTAN le 11 et 12 juillet. 

Notre Président a quant à lui appelé à une expansion rapide de l’Union européenne à Bratislava en Slovaquie, la veille, puis de nouveau ce jeudi où il propose d’ouvrir les négociations avec les deux pays candidats dès la fin de l'année. L'objectif est de discuter des réformes institutionnelles nécessaires pour approfondir l'intégration de l'UE sans changer les traités existants et tout en évitant de dérangeantes accusations de contournement volontaire des règles d’adhésion. Le tout afin de pouvoir intégrer six ou sept États de plus – pour le moment. « Nous entrons dans une phase très politique, l’UE doit ancrer les Balkans occidentaux, l’Ukraine et la Moldavie, plaidait M. Macron. Il faut accepter d’avoir une Union élargie, géopolitique, et que quelques-uns de ses membres décident d’avoir une politique beaucoup plus communautaire. », ponctuait-il. Surtout, ne plus penser nation. 

« Le lieu est le message »

Se donner rendez-vous dans le pays le plus pauvre du continent, à deux pas de la frontière ukrainienne, c’est un symbole de soutien au pouvoir moldave. « Le lieu est le message », confie un cadre aux Échos, reprenant la phrase de Marshall McLuhan « the medium is the message ». La Moldavie, qui ne fait ni partie de l’UE ni de l’OTAN, est en effet traversée par de forts courants pro-russes, dont le Kremlin fait ses choux gras. 

Terrain principal, mais non exclusif de ces tensions : la Transnistrie, région sécessionniste coincée dans la frontière ukrainienne et qui abrite une base militaire russe. À la réunion, la présidente moldave Maia Sandu affichait malgré tout sa confiance pour une intégration prochaine dans l’UE et l’OTAN, et tentait de faire bonne impression pour un tel sommet bien qu’elle fût quelque peu éclipsée par l’attention portée à son voisin ukrainien. 

Kosovo, Haut-Karabagh : études de K sans grands succès

Certaines crises persistantes sur le continent ont-elles aussi été abordées. C’est le cas des tensions récemment aggravées entre la Serbie et le Kosovo, qui s’est proclamé indépendant en 2008 et tente depuis d’affermir cette sécession. En l’occurrence récemment, les élections douteuses de maires albanais dans certaines villes kosovares à majorité serbe et qui ont donné lieu à des manifestations de la part de la population, violemment réprimées par les autorités kosovares. L’épisode a d’ailleurs été relayé en France par champion de tennis Novak Djokovic à Roland Garros lors de son premier match du tournoi cette année. Hier, les chefs d’État français et allemand sont finalement et avec efforts parvenus à organiser une rencontre entre le président serbe et son homologue kosovar, qui ont communément exprimé leur volonté de désescalade. Emmanuel Macron en a profité pour réclamer a minima de nouvelles élections dans les fameuses municipalités contestées, concédées par Vjosa Osmani, présidente de la province rebelle. Mais le fond du problème demeure.

Autre chantier diplomatique capital, pour une issue plus amère encore : ni le président du Conseil européen Charles Michel, ni les dirigeants des grandes puissances européennes, n’ont réussi à mettre un baume quelconque au conflit entre Arméniens et Azerbaïdjanais pour le Haut-Karabagh. La région sécessionniste de l’Azerbaïdjan, située en Transcaucasie et peuplée d’Arméniens, est toujours occupée en majeure partie par Bakou, qui installe encore de nouveaux blocus autour des poches de résistance arménienne. Rien n’est réglé depuis 2020, quand les médias occidentaux se passionnaient encore pour les combats meurtriers qui s’y déroulaient. Mais depuis, l’autorité d’arbitrage russe s’étant affaiblie puisque tournée vers l’Ukraine, les puissances européennes tentent de prendre le relai des négociations, sans grand succès. Il est probable alors que le sujet soit de nouveau abordé pour la troisième session de la CPE le 5 octobre prochain à Grenade, en Andalousie.

Alexandre Cervantes et Mayeul Chemilly

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