Géopolitique

La France à la traîne du dôme antimissile européen

 
Emmanuel Macron avait beau jeu de remonter le Champ de Mars le soir de son élection, le 24 avril 2022, au rythme de l’hymne européen. Aujourd’hui, la musique sonne tristement dans le vide, tant l’unité européenne ne va plus de soi. Le retour de la guerre sur le Vieux Continent modifie l’équilibre du si moqué « couple » franco-allemand, qui semblait jusque-là mener la danse. En cause, la décision prise par l’Allemagne de développer une protection antimissile européenne, en utilisant une technologie israélienne. Un pis-aller pour la France, qui milite pour la production de l’appareil défensif européen sur son propre sol.       
 
 Si la Pologne, l’Italie et la France ont refusé de signer avec l’Allemagne cette « European Skyshield Initiative », ce n’est pas le cas de 13 autres pays européens. La Belgique, la Bulgarie, la République Tchèque, l’Estonie, la Finlande, la Norvège, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et les Pays-bas ont manifesté leur intention de se joindre au projet. Comme le rappellent nos confrères du journal La Croix, la France partage avec l’Italie le Système sol-Air de Moyenne Portée Terrestre (le SAMP/T) produit par les spécialistes européens de l’armement MBDA et Thales. C’est une solution européenne en plein essor qui était proposée comme alternative aux Allemands. « C’est dommage d’investir dans un énième système étranger lorsqu’il existe une possibilité européenne, d’autant qu’une nouvelle génération de SAMP/T est en préparation. Le choix d’Arrow 3 comble sans doute des trous capacitaires sur le court terme, mais il lèse y compris l’industrie allemande qui développe ses propres solutions », indique Gaspard Schnitzler, chercheur à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste des questions de défense européenne et d’armement, relayé par La Croix

Côté allemand, la « European Skyshield Initiative » repose sur deux piliers que sont l’aviation, via les fameux F35 achetés aux États-Unis, et sur le système Arrow 3 de facture israélienne. Ce bouclier antimissile dernière génération est capable d'intercepter des missiles balistiques avec une portée allant jusqu'à 2400 kilomètres, à des altitudes de plus de 100 kilomètres, soit au-dessus de l’atmosphère. Selon le Jérusalem Post, ce second volet a nécessité l’aval des autorités américaines, qui cofinancent, avec l’Inde, le programme. Une large part des 100 milliards d’euros dévolus par Berlin à l’armée allemande devrait être affectée à cette fin. Notons que la vente de cette arme défensive est une première, car le système n’avait encore jamais été vendu à l’étranger. C’est l’une des technologies les plus avancées dans le domaine. 
 
 
La « souveraineté européenne » en question ? 
 
Que vaut donc le principe de souveraineté européenne, avancé depuis des années par la France, et poussé par Emmanuel Macron ? Invité de BFM-TV ce jeudi 20 octobre, le PDG du groupe MBDA, Éric Béranger, est revenu sur cette conception peut-être un peu trop française. « La souveraineté, c’est d’abord la liberté d’appréciation, […] de décision et […] d’action », explique-t-il. Et de reprendre l’exemple de l’Irak en 2003, où la France a pu décider de ne pas intervenir aux côtés des Américains, car elle disposait de ses propres satellites d’observation. Il rappelle enfin que l’Allemagne n’a pas le même attachement à la souveraineté que la France. 
 
Cette assertion est vérifiable sur les autres sujets franco-allemands d’industrie de défense. Comme le rappelle La Croix, le groupe Dassault Aviation ne parvient pas à développer sa coopération avec Airbus au sujet de l’avion de combat du futur (Scaf), pas plus que Nexter et Rheinmetall n’avancent sur le nouveau char MGCS. Pendant ce temps, Berlin continue à se procurer du matériel américain. La fracture se creuse entre les deux artisans de l’Union européenne.

La rédaction d'OMERTA

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