Depuis plus de trois mois, Steeve Rouyar, expert-comptable français de 44 ans originaire de Guadeloupe, est emprisonné à Lomé.
Il a été arrêté le 6 juin lors d’une manifestation contre la révision constitutionnelle qui permet à Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir sans limite de mandats. Le parquet togolais lui reproche des « troubles à l’ordre public aggravés », qu’il a reconnus, mais aussi une « atteinte à la sûreté de l’État », passible de 20 à 30 ans de prison, accusation qu’il nie fermement.
Son cas inquiète ses proches, qui affirment avoir appris son arrestation par les réseaux sociaux. « Ça nous a fait un gros choc », confie son frère Mickaël, dénonçant l’opacité de la procédure. Selon une source proche du dossier, Rouyar aurait participé à la fabrication de tracts avant d’être interpellé et placé au Service central de recherche et d’investigation criminelle. Mais pour ses proches, rien ne justifie une détention aussi longue et sévère.
Militant engagé, Steeve Rouyar avait déjà tenté à plusieurs reprises sa chance en politique en France, sous l’étiquette du Nouveau Front populaire, sans jamais dépasser 1 % des voix. Très actif sur Facebook, il critiquait régulièrement Emmanuel Macron, s’opposait à la vaccination obligatoire et affichait son soutien à la cause palestinienne. Installé à Lomé en novembre 2024 pour ouvrir un cabinet d’expertise-comptable, il partageait également des publications favorables aux régimes militaires du Mali et du Burkina Faso, ainsi qu’à des figures panafricanistes.
Ses proches décrivent un homme « optimiste », qui voyait en l’Afrique « une libération des peuples ». Mais ses conditions de détention les préoccupent au plus haut point. « Il est assis dans le noir toute la journée, sans nourriture, sans promenade, il dort à même le sol avec 11 codétenus », témoigne son père, Dominique Rouyar. Lors de leur dernier appel fin août, le détenu se disait « très amaigri », au point que son père « n’a pas reconnu sa voix ».
Alors que l’opposition affirme que la répression des manifestations de juin a causé sept morts, le parquet parle de cinq décès « par noyade ». Le gouvernement togolais assure que « l’état de droit est bien respecté » et appelle à « laisser la justice faire son travail ». À Paris, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité commenter la situation, mais la famille de Steeve Rouyar redoute que son cas ne s’enlise dans le silence diplomatique.