Iran : incertitudes autour du programme nucléaire

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Officiellement, l’intervention israélienne en Iran a été déclenchée dans le but de mettre un terme au programme nucléaire, en particulier à l’enrichissement de l’uranium qui, en dépit des démentis répétés de Téhéran, pourrait déboucher sur la fabrication à très court terme d’une bombe atomique.

En réalité, pour le Premier ministre israélien en particulier, il est tout à fait clair que l’opération doit déboucher sur un changement de régime à Téhéran. Presque à chacune de ses interventions, il appelle de ses vœux à la « libération du peuple iranien ». En Iran, ce discours ne semble pas trouver un écho si favorable. Les Iraniens, pour une part d’entre eux, aimeraient mettre un terme à l’expérience de la République islamique démarrée en 1979, mais à condition qu’on ne leur dicte pas de l’extérieur ce changement, encore moins qu’il se fasse à coup de bombes sur leurs têtes. L’opposition, elle, est divisée, et aucune de ses composantes, que ce soient les royalistes avec à leur tête le fils du Shah ou les moudjahidines du peuple, ne semble suffisamment légitime pour gouverner à la place des mollahs.

Toujours est-il que le but premier de l’intervention n’a toujours pas été achevé. Les sites de recherche nucléaire de Natanz et d’Ispahan ont été gravement endommagés par les frappes de l’aviation israélienne. En revanche, le complexe scientifique de Fordow, situé à une très grande profondeur sous une montagne et doté d’un coffrage de béton que seule la bombe GBU-57 « bunker buster » larguée par un bombardier furtif américain B-2 est capable de perforer, est toujours intact. C’est pourtant lui qui accueille les centrifugeuses dernier cri, les RC-9, et c’est là que se trouveraient les quelques 400 kilos d’uranium déjà enrichis à 60 % (certains disent davantage), en sachant qu’il faut du 80 % pour fabriquer une bombe. Le fait est que l’Iran adhère toujours au traité de non-prolifération nucléaire, signé en 1969. Son parlement a menacé de s’en retirer. Mais pour le moment, l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique) dispose toujours de systèmes de surveillance du programme iranien. Le retrait de l’accord de Vienne de 2015 provoqué par Donald Trump fait qu’aujourd’hui, cette surveillance des activités atomiques de l’Iran est beaucoup plus difficile. L’Iran a désormais dépassé de vingt fois la dose d’uranium autorisée dans le cadre de ce traité.

Plus inquiétant, personne ne sait réellement où se trouve cet uranium. Certains scientifiques comme Richard Nephew estiment que « c’est bien beau de faire des campagnes de frappes aériennes si, en fin de compte, vous n’êtes pas capables d’établir que les choses que vous avez détruites ne vont pas être aussitôt reconstruites ». Il parle du nucléaire, bien entendu. Pour lui, la situation aujourd’hui est peut-être pire qu’avant les frappes car « potentiellement, les Iraniens n’ont désormais plus rien à perdre ». Le philosophe chinois Sun Tzu disait : « N’oublie jamais de construire un pont en or à ton ennemi pour qu’il puisse se replier. » Benjamin Netanyahou, lui, est davantage partisan de l’écrasement que du traitement soft de l’ennemi.

Toujours est-il que la confusion liée à la situation sur le terrain pourrait profiter aux Iraniens, qui pourraient décider d’accélérer. Et même s’ils ne parviennent pas à la bombe atomique, ils ont tout de même de quoi fabriquer une « bombe sale ». Sans compter que, pour être tout à fait certain que le programme nucléaire iranien a vécu, il faudra bien un jour aller le constater sur place, c’est-à-dire envoyer des troupes. Israël compte sur les États-Unis pour l’aider à « terminer le boulot ». Rien n’est moins certain, en dépit de l’agressivité de Trump vis-à-vis des Iraniens, que Washington soit décidé à revivre une situation semblable à l’Irak ou l’Afghanistan. Donald Trump a même été élu sur la promesse de ne plus faire vivre à son peuple ces guerres interminables et surtout ingagnables…

Voir aussi : Iran : « Nous fabriquons des missiles comme vous fabriquez des cigarettes »

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