Culture

Régis Le Sommier reçoit Eric Naulleau

[Régis Le Sommier] : En août dernier, l’écrivain Salman Rushdie -auteur des Versets Sataniques- a été poignardé par un extrémiste. qu’est-ce que le retour des interdits littéraires veut dire de notre époque ? 

[Eric Naulleau] : Alors qu’on semblait s’acheminer vers la fin de l’histoire, qu’après 79 il y a eu 89, on pensait qu’on rentrait dans le « meilleur des mondes » et au contraire, ça a été le retour de toutes les idéologies, notamment islamiste ! On ne le savait pas à l’époque, mais Khomeini en était le coup de semonce ! S’annonçait aussi que deux camps allaient s’opposer : il y avait les complices de cette idéologie, et ceux qui se battaient pour la liberté contre cette idéologie. Khomeini était très soutenu par les intellectuels français de gauche. C’est une gauche qui trahit les libertés, qui trahi ses fondamentaux, qui trahit son ADN, et qui fait allégeance à toutes les dictatures possibles. C’était le cas avec l’Union soviétique, ça a été le cas avec l’Iran, avec des gens comme Foucault qui ont quand même soutenu ce régime ; et maintenant, ils soutiennent Cuba, le Venezuela ou même la Russie de Poutine. 

(…) 

[Régis Le Sommier] : On a les écrivains et l’époque qu’on mérite. 

[Eric Naulleau] : Oui, mais au fond, qui décide ? Qui a décidé que le roman totalement consternant de Virginie Despentes était l’événement de la rentrée ? Ce ne sont pas les libraires ! On a interviewé, je crois, 250 libraires indépendants. « Qu’est-ce que vous retenez dans la rentrée » ? Virginie Despentes était dans les tréfonds du classement. Moi, j’ai confiance dans les libraires, sont des lecteurs parmi les plus fervents, parmi les plus informés. Ils n’ont pas retenu Despentes, mais la critique a décidé que c’était Despentes ! Et donc vous avez bouffé du Despentes pendant un mois, elle était invitée absolument partout ! C’est à qui écrirait les choses les plus extravagantes sur son bouquin, qui n’est vraiment ni fait ni à faire… absence de style totale ! 

[Régis Le Sommier] : Alors que Vernon Subutex, c’était un peu plus aboutit [NdlR : autre titre de Virginie Despentes] ! Dans Cher Connard, elle a pris le concentré de ses névroses pour essayer de séduire. Elle a un nom qui est sulfureux et c’est ça qui a été retenu. Je trouve plus consternant encore ce qu’il s’est passé avec le Goncourt. On a l’impression qu’on a pris une sorte de plus petit dénominateur commun pour ne froisser personne, et finalement la sélection est tombée sur, peut-être, le moins bon de tous les livres… 

[Eric Naulleau] : C’est exactement ça ! Déjà le fait que Brigitte Giraud arrive en finale, avec Vivre Vite, c’était quand même un événement très perturbant. Ensuite, le président du prix Goncourt a décidé, contre les statuts du prix Goncourt qu’un ouvrage déjà primé ne pouvait pas recevoir le Goncourt. C’est expressément précisé dans le règlement que oui ! Il a dit non parce qu’il voulait penser aux libraires, qui vont faire deux ventes au lieu d’une… […] Entre Le Mage du Kremlin et Vivre Vite, il n’y avait pas de débat ! Peut-être que c’est pour d’autres raisons idéologiques, qu’il fallait que ce soit une femme qui l’emporte ? Mais c’est moins grave que pour Virginie Despentes. Personne ne lui tient rigueur de ses déclarations sur Charlie et les frères Kouachi. Elle a fait des déclarations d’amour aux frères Koauchi ! Elle a dit qu’elle avait éprouvé un « rayon d’amour », - qui est peut-être dû à un excès de tisane ou de boisson fraîche, je ne sais pas, - à la fois pour les victimes et pour les bourreaux Kouachi, parce que ce sont les damnés de la terre. On revient à la gauche, qui est fascinée par la violence. La violence de gauche ! Imaginez qu’elle ait dit ça pour un attentat signé par un groupe fasciste ? Toute la presse lui aurait tourné le dos. Mais là, c’est acceptable. Cette gauche-là est absolument fascinée par la violence, pourvu qu’elle soit de gauche. 

[Régis Le Sommier] : Parmi les sujets interdits et volontiers qualifiés de complotistes, il y a par exemple la notion de « Grand Remplacement ». Or, j’ai découvert tout à l’heure que Michel Houellebecq lui-même a affirmé à Michel Onfray, dans une interview, qu’il se dit très choqué qu’on appelle ça une théorie, alors que ce n’est pas une théorie, c’est un fait. Michel Onfray, qui était il y a peu sur le même fauteuil que vous, affirmait que les chiffres confirment ce « Grand Remplacement ». Que pensez-vous de cette thèse ? 

[Eric Naulleau] : Il y a 2 choses distinctes. Il y a le fait qu’on a maintenant une immigration totalement incontrôlée et incontrôlable, puisque même dans l’affaire des réfugiés, on s’aperçoit que malgré les gesticulations du gouvernement, du ministre de l’Intérieur et des autres, en réalité, vous n’avez aucun moyen de contrôler les gens qui sont dans votre territoire. Il y a donc un sentiment de dépossession que certains théorisent en « Grand Remplacement ». Moi ce que je constate, ce n’est pas le Grand Remplacement, mais même à Paris, il y a une ghettoïsation. Ce n’est pas une purification ethnique, au sens où on déplacerait les gens de force, mais de fait, les gens se regroupent par communauté ! Ceux qui ne sont pas de la communauté vont ailleurs pour se rapprocher de leur propre communauté. Vous avez des quartiers qui sont de plus en plus homogènes. J’ai fait l’expérience n’y a pas très longtemps, j’avais rendez-vous, pas très loin de chez moi, mais dans un autre arrondissement. J’habite dans le XIe. Il doit y avoir, à vol d’oiseau, huit cents mètres. Ça me prend quelques minutes, et comme j’étais en avance, je regarde autour de moi et je me dis qu’il y a un truc bizarre dans ce quartier. Je n’arrivais pas à mettre la main dessus ; tout d’un coup je vois qu’il n’y a pas un Arabe ou un noir ! Il n’y avait pas un visage brun, alors que moi, dans mon quartier, c’est extrêmement mélangé ! Il y a une mosquée assez célèbre etc… Simplement, vous voyez la différence dans Paris à huit cents mètres d’écart. Je ne vous parle pas du XVIe arrondissement, ou du VIIe. Je vous parle de l’est parisien, où il y a des quartiers qui sont maintenant homogènes ethniquement, parce que les gens se regroupent par affinité. Le problème, c’est qu’il y a deux niveaux dans le « Grand Remplacement ». Il y a ceux qui vous expliquent le Grand Remplacement correspond à une volonté délibérée, de dire que des gens organisent ce Grand Remplacement pour des raisons X ou Y ; et d’autres qui disent non, ce n’est pas organisé, mais c’est un fait. Moi, ce n’est pas ce que je constate. Je constate en revanche cette ghettoïsation de plus en plus marquée d’un quartier à l’autre.

Retrouvez ici l'entretien complet !

La rédaction d'OMERTA

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