Société

Réforme des retraites 1 : histoire d’une loi

La promesse avait été faite en 2017. Cette promesse, inscrite dans le programme de l’ancien ministre de François Hollande, Emmanuel Macron, était la suivante : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions ». En étant taquin, on peut dire qu’il n’a pas menti : en effet, entre 2017 et 2022, le gouvernement n’a pas touché à l’âge de la retraite. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.  
La réforme des retraites, elle, était bien dans le programme du candidat. Il s’agissait à l’origine de mettre fin aux régimes spéciaux, et de créer un système universel comprenant une retraite dite « par points ». Dès le 14 septembre 2017, l’ancien ministre chiraquien Jean-Paul Delevoye est nommé « Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites », et chargé de préparer celle-ci. Trois mois plus tard, les « partenaires sociaux » sont conviés à la table des négociations. L’objectif, comme l’annonce Emmanuel Macron, est de boucler le texte avant l’été 2019. Le 10 octobre 2018, les grandes lignes de la réforme sont écrites et en juillet 2019, le texte est bouclé, comme prévu.  
Concrètement, il prévoit l’instauration du système à points, la fin des régimes spéciaux, un minimum à 85% du SMIC et… la retraite à taux plein, à 64 ans. L’âge légal, cependant, ne bouge pas. Néanmoins, Delevoye grogne : il est fervemment opposé à un recul de l’âge, qui commence pourtant à se profiler.  
 
Le déplacement de l’âge légal 
Aujourd’hui, ce point précis de la réforme est celui qui crispe le plus les Français. 66% d’entre eux y sont aujourd’hui défavorables. Sa genèse se retrouve dans une idée appuyée par Emmanuel Macron : celle d’un âge-pivot, à 64 ans, en place en 2027.  
Pour l’instant, ce sont surtout les professions touchées par la fin des régimes spéciaux qui se mobilisent. Le système universel les touche directement, et elles le font savoir. Mais rien ne semble faire changer d’avis le gouvernement Philippe. Une polémique, toutefois, écarte Delevoye du sujet : l’annonce que l’Europe aurait besoin de 50 millions de migrants africains pour survivre démographiquement. Tollé à droite, il est renvoyé.  
Le 10 décembre, la grande annonce est faite. Le texte est prêt à être discuté. Le 3 février 2020, il entre à l’Assemblée Nationale, et des dizaines de milliers d’amendements sont déposés. Pour couper court au débat, Edouard Philippe fait usage d’un 49-3. Deux motions de censure sont déposées, puis rejetées. Le 5 mars, le texte est donc adopté en première lecture. Coup de théâtre : dix jours plus tard, le confinement suspend tout examen de la réforme, à cause de la crise du Covid-19. Peut-être un mal pour un bien sur le moment : près d’un million de Français étaient descendus dans la rue pour s’y opposer. 
Pourtant, à l’approche de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron remet le sujet sur le tapis. Il favorise ainsi largement la plus grosse part de son électorat, les retraités, qui recevra plus d’argent des cotisants plus nombreux. Le « relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans » est écrit dans le programme.  
Maintenant, le gouvernement veut en finir. Votée « avant la fin de l’hiver 2023 » selon Elisabeth Borne, un nouveau texte doit être prêt pour la fin de l’année. Évidemment extrêmement clivante, la majorité est divisée quant à la méthode à adopter. 49-3 ou pas ? Son usage à quatre reprises pour le Budget 2023 est peut-être un présage.  
 

Alexandre de Galzain

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