Mexique : une élection historique de tous les juges secouée par l’abstention et les soupçons

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Pour la première fois de son histoire, le Mexique a organisé une élection nationale visant à désigner l’ensemble de ses juges, y compris ceux de la Cour suprême.

Cette réforme constitutionnelle, portée par l’ex-président Andrés Manuel López Obrador et sa successeure Claudia Sheinbaum, vise à lutter contre « la corruption et les privilèges » dans le système judiciaire. Au total, ce sont 881 juges fédéraux et environ 1 700 juges locaux qui ont été soumis au vote populaire, une opération inédite censée donner au peuple un contrôle direct sur le pouvoir judiciaire.

Mais malgré cette ambition affichée, le taux de participation est resté très bas, oscillant entre 13 % et 20 % selon les projections. La complexité du scrutin, avec des centaines de candidats à départager, a freiné de nombreux électeurs. La présidente Sheinbaum elle-même a mis plus de 11 minutes à remplir ses bulletins de vote. Les autorités électorales ont par ailleurs rappelé que les candidats ne peuvent être soutenus par des partis ni financés publiquement ou par des entreprises, un système censé garantir leur indépendance mais qui, selon les critiques, avantage les plus riches ou les mieux connectés.

Cette élection, qualifiée d’« historique » par ses promoteurs, suscite pourtant de nombreuses inquiétudes. Des ONG et des observateurs redoutent une influence croissante des cartels dans les processus électoraux, en particulier dans les États les plus violents. Le groupe Defensorxs a identifié une vingtaine de candidats ayant des liens présumés avec le crime organisé, dont une ancienne avocate de « El Chapo » Guzmán et un ex-détenu pour trafic de drogue aux États-Unis. Les défenseurs de la réforme insistent néanmoins sur la transparence du processus et la mise en place d’un tribunal disciplinaire pour contrôler l’intégrité des magistrats élus.

L’opposition, elle, dénonce une manœuvre de Morena, le parti au pouvoir, pour affaiblir l’indépendance judiciaire et renforcer son influence sur les institutions. Des manifestations ont eu lieu à Mexico pour dénoncer une « farce électorale » et dénoncer une dérive autoritaire. Mais pour d’autres, comme Arturo Giesemann, un électeur de la capitale, cette réforme est une chance : « Je suis venu voter par dégoût du système judiciaire actuel. C’est une opportunité pour changer. »

La seconde phase de cette élection judiciaire est prévue en 2027. D’ici là, les regards seront tournés vers la mise en œuvre de cette refonte radicale du système de justice mexicain, qui reste profondément fragilisé par la corruption et la violence du narcotrafic.

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