Tentative d’insurrection en Russie : les 24 heures qui ont (encore) fait balancer le monde au bord d’un précipice

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« Si la Russie s’effondre, nous serons ensevelis sous les décombres, il n’y aura pas de survivants », met en garde le président biélorusse Alexandre Loukachenko qui s’adonne en ce 27 juin 2023 à l’un de ses exercices de rhétorique préférés.

Il y a trois jours, cet homme qui dirige depuis 1994 une ex-république soviétique plus petite que la ville de Moscou en termes de population, a fait une belle entrée dans les livres d’histoire. C’est grâce à son entregent que le sulfureux chef de la compagnie militaire privée Wagner, Evgueni Prigogjne, a accepté d’arrêter sa « marche pour la justice » sur Moscou après avoir tenu le monde entier en haleine pendant plusieurs heures. C’est le communiqué officiel diffusé par son bureau samedi vers 20h00, heure locale, qui a mis fin à une tension qui commençait à devenir pesante, en Russie, comme à l’extérieur. 

Le chef d’État biélorusse a réussi à convaincre Poutine, qui tient la trahison pour un péché impardonnable, de donner une chance à Prigojine et à ses suiveurs que le maitre du Kremlin avait déjà condamnés dans sa tête : « J’ai compris qu’une décision radicale avait été prise : buter. J’ai suggéré de temporiser, de parler à Prigojine, à ses commandants. Ce à quoi Poutine a répondu : « Écoute, Sacha (diminutif d’Alexandre, ndlr), ça ne sert à rien. Il ne veut même pas décrocher le téléphone, il ne veut parler à personne. »

Panique dans les chancelleries

Le Washington Post écrit que les agences de renseignement américaines ont reçu dès la mi-juin des informations indiquant que Prigojine préparait une insurrection sans aucune précision concernant la date ou la nature exacte du projet et en ont averti la Maison Blanche. Celle-ci a décidé de ne pas les rendre publiques pour, d’une part, ne pas s’attirer les accusations de fomenter un coup d’État en Russie et d’autre part ne pas aider les autorités russes à parer le danger.

Les sources de la chaîne CNN affirment que le jour de la mutinerie, les États-Unis et leurs alliés ont appelé Kiev pour lui demander de s’abstenir de profiter de la situation, de crainte d’en être tenu pour associés, voire instigateurs, et par conséquent pour une menace directe à la souveraineté et l’ordre constitutionnel de la Russie ce qui, selon la doctrine russe, justifie une riposte nucléaire. Les chancelleries occidentales ont également pris contact directement avec les autorités russes pour s’assurer que les l’arsenal nucléaire déployé dans les villes sur la route des hommes de Wagner était bien sécurisé. D’après les informations qui ont fuité, les interlocuteurs des Russes ont profité de cette occasion pour se dégager de toute implication.

La main de Washington

Cela ne les a pas empêchés d’être pointés du doigt. Le président serbe, Aleksandar Vučić, s’est dit convaincu de l’existence d’une influence occidentale dans la mutinerie. Le chef de la Garde nationale russe Viktor Zolotov a également supposé une inspiration occidentale qui, d’après lui, se serait superposée aux ambitions personnelles de Evgueni Prigojine. À la faveur de cette crise, sa structure se dotera d’armements lourds.

Le négociateur en chef Loukachenko n’est pas en reste. Sans les nommer, il accuse les Occidentaux de vouloir « une fois de plus, de faire exploser notre pays, notre région tout entière, de désorienter les gens, d’envenimer la situation par tous les moyens et, en catimini, d’imposer ses règles, d’établir son ordre ». Son « une fois de plus » fait référence à la chute de l’URSS qu’il a toujours du mal à digérer – lui, le seul député du Conseil suprême de la république socialiste soviétique de Biélorussie à s’être opposé aux accords de Belovej entérinant la dislocation de l’Union soviétique et donnant naissance à la Communauté des États indépendants (CEI).

Pour le président biélorusse, il s’en est fallu de peu pour que son propre pays ne connaisse la même insurrection armée dont il attribue la responsabilité aux opposants en exil téléguidés par des « mentors » étrangers.

Bien que, pour lui, l’implication des Occidentaux ne fasse pas de doute, Loukachenko ne se défausse pas sur leurs menées hostiles et bat sa coulpe : « Ni moi, ni Poutine, ni Prigojine ne le sommes parce que nous avons d’abord laissé la situation se dégrader, ensuite nous avons pensé qu’elle se règlerait d’elle-même, ce qui ne s’est pas produit. » Résultat des courses : une dizaine de victimes parmi les pilotes d’avions abattus par les Wagner. Dans un discours solennel à la nation, Vladimir Poutine leur a rendu hommage. Pour lui, leur courage et leur abnégation « ont sauvé la Russie de conséquences destructrices tragiques » souhaitées par « les ennemis de la Russie » cherchant à se venger de leurs échecs militaires. Une source de CNN a effectivement concédé que les États-Unis s’attendaient à ce que la mutinerie « dure plus longtemps » et « soit plus sanglante ».

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