C’était en mars dernier. Pavlo Broshkov venait de signer pour rejoindre l’armée ukrainienne. Il faisait partie d’un groupe de volontaires, âgés de 18 à 24 ans.
La formation militaire standard dura 51 jours. Ses motivations allaient naturellement de la défense de son pays, dont la situation militaire sur le front prenait un tour critique, aux espoirs suscités par une solde intéressante qui lui laissait espérer qu’il pourrait bientôt se payer une maison pour sa femme et sa fille. Trois mois plus tard, comme le raconte l’agence Reuters, Pavlo Broshkov gît sur le sol dans un coin reculé du Donbass. Il a pris des balles dans les jambes et un drone russe s’apprête à l’achever. Il l’entend d’abord, ce qui en général signifie qu’il est trop tard. « J’ai compris que le moment où j’allais être taillé en pièces était arrivé, dit-il. Je ne craignais pas de mourir. J’avais peur de ne jamais revoir ma femme et ma fille. » C’est alors qu’au dernier moment, un de ses camarades a le réflexe d’abattre le drone avec son fusil, juste avant qu’il ne le percute.
L’histoire de Pavlo Broshkov est édifiante. Car avec lui, Reuters a suivi onze volontaires ukrainiens ayant contracté un engagement dans l’armée au même moment. Et le bilan est désastreux. Déjà en mars, les recrues se faisaient rares pour renouveler le personnel d’une armée ukrainienne dont le principal problème à mesure que le conflit se prolonge est le manque d’hommes. En conséquence, l’armée est composée d’individus de plus en plus âgés. Les drones sont venus pour partie seulement pallier le manque de soldats, mais les multiples offensives russes et surtout la répétition sur le front de chaudrons dans lesquels des unités se retrouvent parfois encerclées provoquent un gâchis épouvantable. Bakhmout, Avdeïevka, Vuhledar, Soudja et désormais Mirnohrad : l’état-major continue à chaque fois à refuser à ses hommes le repli au dernier moment, et ce pour pouvoir communiquer aux alliés que les forteresses ukrainiennes tiennent toujours. En conséquence, les pertes ont été catastrophiques.
Côté russe, OMERTA avait constaté en janvier 2024 que d’anciens prisonniers ayant souscrit un contrat six mois plus tôt avec une unité de volontaires russes dans le Donbass avaient subi des pertes allant jusqu’à 80% des effectifs. Le témoignage d’un rescapé blessé ainsi que les informations données par les dirigeants de l’unité concordaient sur ce point. Il s’agissait de détenus libérés en échange de leur engagement et pour lesquels les vagues humaines envoyées au combat étaient monnaie courante, surtout à l’époque de la bataille de Bakhmout. Selon d’autres sources, en 2023 et 2025, les Russes ont pratiqué une bien plus grande économie des vies humaines dans leurs engagements. L’Ukraine, au contraire, à travers l’offensive de Koursk par exemple, a montré qu’elle continuait à gaspiller des bonnes unités dans des opérations à la finalité mal définie et stratégiquement inutiles. Sans parler du matériel laissé derrière elle lors de son repli.
Sur les onze volontaires ukrainiens suivis par l’agence Reuters, aucun n’est plus aujourd’hui en état de combattre. Quatre ont été blessés. Trois ont disparu au combat. Un autre est malade et l’un d’entre eux a mis fin à ses jours. Il reste impossible d’obtenir de la part des deux camps des statistiques des pertes sur le front car cela reste un secret bien gardé. En conséquence, le travail de l’agence Reuters souligne à travers les destins de ces onze soldats une situation sans doute bien pire qu’on ne l’imagine, même si des cas isolés ne sauraient représenter un échantillon fiable.
À lire, le reportage bouleversant de l’agence Reuters : reuters.com
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