En pleine guerre contre la Russie et alors que l’Ukraine continue de réclamer son adhésion à l’Union européenne, Volodymyr Zelensky a choisi de promulguer une loi controversée qui place sous contrôle présidentiel les principales institutions anticorruption du pays. Un virage autoritaire jugé inquiétant par la société civile ukrainienne comme par les partenaires occidentaux, qui y voient un net recul démocratique.
Adopté par une large majorité au Parlement, le texte subordonne désormais le NABU (Bureau national anticorruption) et le SAPO (Parquet spécialisé) au procureur général, lui-même dépendant du pouvoir exécutif. Une décision qui abolit de fait leur indépendance, pourtant considérée comme essentielle dans le cadre des engagements européens de l’Ukraine. Le timing n’est pas anodin : elle intervient après l’arrestation très médiatisée d’un cadre du NABU accusé d’espionnage pour Moscou – une affaire que certains jugent instrumentalisée pour justifier un coup de force contre ces structures.
L’annonce a immédiatement déclenché des manifestations dans plusieurs villes ukrainiennes, les premières d’ampleur depuis le début de l’invasion russe. Des centaines de citoyens, souvent jeunes, ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un retour aux pratiques du régime pro-russe de Viktor Ianoukovytch. Des figures de la société civile, des vétérans, mais aussi le maire de Kiev Vitali Klitschko ont appelé Zelensky à opposer son veto. En vain.
Le président ukrainien a tenté de rassurer, affirmant que « l’infrastructure anticorruption continuera de fonctionner », mais « sans influence russe ». Une justification jugée floue par nombre d’ONG et d’alliés occidentaux, qui s’interrogent sur les véritables intentions du pouvoir. Transparency International, la Commission européenne, les diplomates du G7 et même des anciens ministres ukrainiens ont dénoncé une mesure qui affaiblit gravement la lutte contre la corruption. À Bruxelles, certains redoutent désormais un impact sur le processus d’adhésion.
Alors que le soutien financier occidental à Kiev reste conditionné à la transparence et à la bonne gouvernance, cette réforme pourrait s’avérer politiquement risquée pour Zelensky. Loin de faire taire les critiques, elle ravive les soupçons sur la concentration du pouvoir à Kiev et la volonté du président de verrouiller les contre-pouvoirs à un moment où l’Ukraine, plus que jamais, prétend défendre les valeurs démocratiques face à la Russie.
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