« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer en Ukraine de manière officielle, assumée et endossée, des troupes au sol en Ukraine mais, en dynamique, rien ne doit être exclu. Les gens qui disent « jamais jamais » aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient « jamais jamais » des tanks, des avions, des missiles à longue portée il y a deux ans. Je vous rappelle qu’il y a deux ans, des gens autour de cette table : nous allons proposer des sacs de couchage et des casques. »
Lundi 26 février 2024, Emmanuel Macron s’exprime au cours de la « Conférence de soutien à l’Ukraine ». Immédiatement, le président français est désavoué, d’abord par Mark Rutte, alors premier ministre néerlandais et qui deviendra bientôt secrétaire général de l’OTAN ; puis par le chancelier allemand Olaf Scholz ; même chose pour la Pologne, la Suède, l’Autriche, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. Quelques jours plus tôt, devant quelques invités réunis à l’Élysée après un discours en l’honneur des résistants arméniens Missak et Mélinée Manouchian, il lâchait : « De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa. » Voilà donc que le chef de l’État est passé de la volonté de ne pas « humilier la Russie » au début du conflit à la suggestion d’envoi de troupes en soutien à Kiev.
Ce qui est intéressant, quand on voit l’origine de cette mutation, c’est le peu de consensus que cette idée d’Emmanuel Macron, qui va devenir une obsession, recueille parmi les alliés. Autant dire que l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis n’a rien fait pour donner du poids à ce projet, au contraire. Cela n’a nullement pourtant empêché notre président de réitérer sa proposition de nombreuses fois.
La question qui se pose est la suivante : comment se fait-il qu’Emmanuel Macron s’entête de la sorte lorsqu’on sait qu’à de nombreuses reprises, les Russes ont rappelé, via Sergei Lavrov, Piotr Tolstoï, Dmitri Medvedev et même Vladimir Poutine lui-même, que la moindre présence de troupes étrangères, surtout venant d’un ou de plusieurs pays de l’OTAN, provoquerait une riposte immédiate et que ces troupes seraient des « cibles légitimes » ? Vladimir Poutine l’a encore dit la semaine dernière. Certes, il s’agit de la part de la France d’une pensée noble qui montre à l’Ukraine et à son leader, Volodymyr Zelensky, dont Macron est proche, qu’on ne les laissera pas tomber.
Enfin, et ce n’est pas nouveau depuis le début de ce conflit qui n’a été discuté qu’une seule fois au parlement en trois ans et de manière non contraignante pour l’exécutif, comment un président qui n’a pas le soutien de l’opinion, ne dispose d’aucune majorité présidentielle, n’a proposé aucun débat véritable, dont le gouvernement est menacé d’être renversé, sans aucun mandat de l’ONU, peut-il décider du déploiement d’une force militaire en Ukraine ? On peut aussi se demander, s’il a lieu, qui pourra bien voter le budget pour une telle opération ?
Est-ce à dire qu’il envisage une crise ou que l’entrée en guerre de la France pourrait se faire en utilisant l’article 16 de la Constitution de 1958, celui qui, en période de crise, permet de donner des « pouvoirs étendus », d’ordinaire exclus au président de la République française ? On n’ose le penser. On se souvient qu’au début de la guerre, le président n’avait pas hésité à utiliser ce conflit, les tractations qu’il était censé mener entre Poutine et Zelensky à l’époque pour éviter d’avoir à faire campagne contre Marine Le Pen. Il se contentait de publier à l’époque des vidéos de l’Élysée où on pouvait le voir en chef de guerre, en train de gérer les affaires du monde. Cette fois-ci, Emmanuel Macron est au bord du vide. Le pays prend l’eau à tous les niveaux et sa présence à la tête de l’État, surtout depuis qu’il a prononcé la dissolution et n’a pu depuis obtenir de majorité cohérente, est grandement contestée. C’est aussi pour cela qu’un tel jusqu’au boutisme sur cette guerre en Ukraine, qui a certes lieu sur le continent européen mais ne concerne les Français que de loin, paraît absurde.
La dernière réunion des alliés de l’Ukraine, la fameuse « Coalition des volontaires », formée le 2 mars dernier lors d’un sommet à Londres, a vu Emmanuel Macron réitérer ce souhait d’envoyer des troupes. En réponse, les Russes ont répondu un « Niet » catégorique, laissant planer le doute sur où va notre président et sur une guerre qui est devenue pour lui comme une réalité parallèle.