Soudan : la famine frappe de plein fouet au cœur des crises

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Plus de 60 personnes sont mortes en l’espace d’une seule semaine à cause de la malnutrition au Soudan. L’annonce a été faite le 11 août 2025 par Idem Wosornu, directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Ces décès ont été enregistrés dans la ville assiégée d’El-Fasher, capitale de l’État du Darfour-Nord. La famine y a été identifiée pour la première fois il y a environ un an, dans le camp de déplacés de Zamzam, et les Nations unies estiment qu’elle pourrait désormais s’étendre à d’autres zones.

Selon les derniers rapports de l’ONU, dix-sept régions soudanaises sont aujourd’hui classées à haut risque de famine, notamment certaines parties du Darfour, des monts Nouba, ainsi que des États de Khartoum et d’Al-Jazira.

Les femmes en première ligne

L’ONU Femmes au Soudan alerte : les femmes et les filles sont les plus touchées par l’insécurité alimentaire et l’escalade des violences. L’agence parle d’une véritable « urgence de genre ».

D’après des données publiées le 7 août 2025, près de 26 % des ménages souffrent désormais d’insécurité alimentaire sévère, contre 14 % il y a un an. Cette aggravation serait liée à l’exclusion des femmes des mécanismes de distribution de l’aide, ce qui laisse leurs besoins et ceux de leurs familles dans l’ombre.

Les violences basées sur le genre, dont le viol, limitent également l’accès des femmes à l’aide humanitaire. Depuis avril 2023, 1 138 cas de viol ont été documentés, essentiellement dans les zones de conflit, un chiffre probablement en deçà de la réalité en raison de la stigmatisation sociale.

« Les familles dirigées par des femmes étaient déjà trois fois plus exposées à l’insécurité alimentaire. Aujourd’hui, elles constituent le groupe le plus affamé du pays », a déclaré Salvator Nkurunziza, représentant de l’ONU Femmes au Soudan.

Il explique que les files d’attente pour la nourriture sont souvent dominées par les hommes, tandis que les femmes sont largement exclues des instances communautaires et des espaces décisionnels. Dans certaines zones comme Al-Jazira ou Khartoum, il est urgent d’améliorer l’accès des femmes et des filles à l’aide alimentaire. Dans les régions en guerre, comme au Kordofan, de nombreuses adolescentes quittent l’école pour chercher de quoi manger, au risque d’être exploitées.

Le dossier sensible du triangle de Halaïb

Alors que la menace de famine plane, un autre dossier agite l’opinion : celui du triangle de Halaïb, une zone stratégique au sud-est de l’Égypte, disputée depuis des décennies. Cette région, où vivent environ 27 villages aux noms soudanais, abrite principalement des tribus soudanaises comme les Beja, les Bashariya, les Ababda, ainsi qu’une minorité de Rachaïda.

Riche en récifs coralliens, en ressources naturelles et en poissons, ce territoire côtier du nord de la mer Rouge revêt un intérêt économique et stratégique majeur. Pourtant, selon des révélations de médias français, le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan, aurait décidé unilatéralement de reconnaître la souveraineté égyptienne sur la zone, sans consulter ni le Parlement ni le peuple soudanais.

Depuis le milieu des années 1990, la région est sous contrôle militaire égyptien, après la tentative d’assassinat du président Hosni Moubarak à Addis-Abeba. Khartoum a régulièrement demandé un arbitrage international, sans succès.

Vives réactions au Soudan

Pour le Comité de résistance d’Extension Shambat à Khartoum-Nord, cette décision ne reflète en rien la volonté populaire. Dans un communiqué publié le 13 août, il affirme : « Quiconque pense que les Soudanais céderont le moindre grain de sable se trompe. »

L’ancien président de la commission soudanaise de délimitation des frontières, Muaz Tango, rappelle que le litige ne se limite pas à Halaïb : d’autres territoires auraient été « annexés de force » par l’Égypte.

De son côté, la femme de lettres soudanaise Munaa Suleiman estime que tout accord signé par une autorité dépourvue de légitimité est nul : « C’est la donation de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas. »

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