Quand Pékin savonne la planche aux occidentaux

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Mardi 21 mars 2023 se tenait à Moscou un évènement d’anthologie entre le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, et le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine. Rencontre au sommet entre deux puissances rivales à bien des égards mais qui se retrouvent aujourd’hui du même côté de l’histoire. On se croirait revenu au temps du pacte Sino-Soviétique des années 50 mais cette fois-ci, le grand frère est Chinois. Trois jours de discussions pour s’accorder sur le gigantesque projet de gazoduc Force de Sibérie 2, qui reliera la Sibérie au nord-ouest de la Chine. À terme, relaie Le Figaro, 50 milliards de mètres cubes de gaz transiteront par ces infrastructures. L’entrevue a largement été relayée dans les médias du monde entier, comme le symptôme de fin de la tutelle occidentale sur le monde. 
 
« Est-ce la constitution d’un bloc « autoritaire » contre le bloc « démocrate », la rencontre de courtoisie à un voisin allié, ou celle du suzerain à son vassal ? » interroge le géopolitologue Jean-Baptiste Noé. « Un peu des trois sans doute, mais l’ascendant de la Chine sur la Russie est réel et croissant ». 
À ce stade en effet, la Chine a su tirer un profit substantiel de la guerre en Ukraine. Le rapprochement Russie-Chine est d’abord à l’avantage de ces derniers, pendant que la Russie s’affaiblie par sa guerre. Le gaz chinois soulage, mais en ouvrant son (immense) marché aux Chinois, elle en devient dépendante. L’Europe se souvient bien de ce que fut le plan Marshall : la saturation de son marché par les fruits de la surproduction américaine a durablement modifié nos habitudes de consommation, nos références culturelles et peut-être même une part de notre identité. Aujourd’hui, l’adoption du yuan au mépris du dollar pour les échanges commerciaux entre les deux géants veut dire une chose : la Russie lie sa stabilité à celle de la monnaie chinoise. 
 
Il ne s’agit pas de surévaluer l’évènement : l’accord du 21 mars n’enlève rien aux antagonismes persistants entre la Chine et la Russie, en témoigne la lutte d’influence sur les pays d’Asie centrale. Leur alliance est donc rationnelle, temporaire et n’engage pas une solidarité idéologique profonde. C’est du moins ce qu’on en dit depuis 2014… 
 
En mai 2015, François Hollande boudait l’invitation de Moscou à assister aux cérémonies de commémoration du soixante-dixième anniversaire de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie. En février 2022, l’Occident prenait alors ses toutes premières sanctions contre la Russie. « Stratégiquement, le président français s’est aligné sans nécessité sur la position américaine d’un boycott de la Russie, qui la jette imprudemment dans les bras de la Chine » commentait Renaud Girard, grand reporter au Figaro. Force est de constater, huit ans après, qu’il avait raison. 
 
L’opération diplomatique de Xi Jinping peut être vue sous deux angles : d’une part, en proposant un plan de paix, il s’immisce de manière inédite dans les affaires du continent Européen. D’autre part, il garde un contact proche avec l’Union Européenne et les États-Unis qui sont des partenaires économiques de premier plan. Avec l’oreille de Moscou et de Bruxelles, la Chine a un rôle à jouer dans cette guerre. 
 
Accords Iran – Arabie Saoudite : le vrai succès de la Chine 
 
La rencontre du 21 mars intervient onze jours après l’un des plus gros succès diplomatiques de la Chine : le 10 mars 2023, Xi Jinping a obtenu, après quatre ans de négociations, un accord historique entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. « C’est la première fois que Pékin orchestre officiellement un accord international. C’est aussi la première fois que la Chine se mêle des affaires du Proche-Orient, un espace stratégiquement dominé, depuis plus de soixante-dix ans, par les États-Unis » écrivent Akram Belkaïd et Martine Bulard dans les colonnes du Monde Diplomatique. Pour son troisième mandat, Xi Jinping se taille un costume de faiseur de paix et de négociateur, ouvrant les bras à tous ceux que l’Occident délaisse. La notion de « pays du Sud » revient à l’occasion de la guerre en Ukraine, motivée par le constat que certaines régions du monde se gardent bien de condamner ou sanctionner « l’opération spéciale ». 
 
Doit-on pour autant en déduire que la Chine s’impose en cheffe de file d’un camp ? Il y a une logique nationale dans la politique chinoise, qui repose en grande partie sur son expansionnisme économique. Il semble que Pékin ait tout à perdre dans une alliance politique ou militaire qui la coincerait dans une nouvelle guerre froide. 

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