Coup de théâtre à Brasilia. Alors que deux magistrats de la Cour suprême avaient déjà voté pour condamner Jair Bolsonaro pour tentative présumée de coup d’État, le juge Luiz Fux a pris tout le monde à contrepied en plaidant l’acquittement pur et simple de l’ex-président. Da
s une argumentation fleuve, il a rejeté l’idée d’une «organisation criminelle armée» et averti la Cour contre la tentation d’un «jugement politique».
Le compteur reste pourtant défavorable à l’ancien chef de l’État: 2 voix pour la condamnation, 1 pour l’acquittement. Il suffit désormais d’un vote supplémentaire pour sceller son sort, avec à la clé jusqu’à 43 ans de prison pour Jair Bolsonaro et plusieurs ex-ministres et officiers. Le verdict pourrait tomber d’ici vendredi, chaque vote étant retransmis en direct, dans un pays suspendu au dénouement.
Assigné à résidence et déjà frappé d’inéligibilité jusqu’en 2030, Jair Bolsonaro n’a pas assisté à l’audience, invoquant des raisons de santé. Son camp, lui, jubile prudemment: le fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, dénonce un «lynchage judiciaire» et parle de «persécution politique», quand la défense voit dans le vote Fux une base solide pour d’éventuels recours.
La tension dépasse les frontières brésiliennes. À Washington, Donald Trump a durci le ton contre la Cour suprême brésilienne, brandissant une surtaxe de 50% sur des exportations du pays et des sanctions individuelles contre des magistrats, dont Alexandre de Moraes, rapporteur du dossier et bête noire des bolsonaristes. La crise diplomatique avec Brasília s’envenime, sur fond d’accusations croisées d’atteintes à la liberté d’expression et d’ingérence.
Dans l’enceinte du STF, le climat se crispe aussi: le juge Flavio Dino dit avoir reçu des «menaces graves» après son vote pour la condamnation, ses services évoquant des milliers de messages visant les magistrats et leurs familles. Symbole d’une société brésilienne fracturée, où une partie applaudit l’implacable «application de la loi», quand l’autre voit la main invisible d’un procès instrumentalisé.
Reste une inconnue majeure: l’après. En cas de condamnation, le camp Bolsonaro prépare déjà une contre-offensive politique (jusqu’à envisager une loi d’amnistie) et judiciaire, à coups d’appels en cascade. En cas d’acquittement, la Cour devra justifier une volte-face à très haut risque dans un dossier devenu existentiel pour la démocratie brésilienne, autant que pour l’avenir d’un ex-président qui n’a, manifestement, pas dit son dernier mot.