Papa, avoue : le récit d’un divorce cruel

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L’aliénation parentale, au sens strict, cela signifie que l’un des parents exerce une influence sur l’esprit de son enfant pour qu’il se soumette aveuglément à son point de vue. Le parent exclu ne l’est alors que plus, il est écarté au point d’être rendu étranger à son enfant. Communément, les experts, psychologues, pédopsychiatres et avocats s’accordent à dire que l’aliénation parentale existe. Malgré tout, le terme « syndrome » divise la communauté scientifique. Théorisé par le psychiatre américain controversé Richard Gardner dans les années 80, son emploi dans les tribunaux aux États-Unis notamment, a conduit à des erreurs de diagnostic dramatiques. Des enfants ont été remis entre les mains de leur parent abusif. Au cœur d’un conflit où tous les coups sont permis, difficile pour les juges et les avocats de démêler le vrai du faux. Loin du fleuve tranquille, un seul désaccord lors d’un divorce suffit pour déclarer l’entrée en guerre.

Le temps pour ennemi

Une guerre qui peut s’étendre sur des années si les enfants se trouvent au milieu du champ de bataille. L’aliénation parentale est une course contre le temps, qui est l’ennemi numéro un du parent exclu. Plus le temps passe et plus elle s’installe profondément dans l’esprit de l’enfant. Les conséquences en grandissant sont désastreuses : manque de confiance en soi, angoisses, dépressions, comportements agressifs. D’après les psychologues, un enfant qui rejette l’un de ses parents rejette une part de lui-même. Difficile, dès lors, de se construire lorsqu’on est amputé d’une partie de soi.

Tout au long de la procédure de divorce, Christophe tente d’exercer son rôle de père dans la mesure du possible. La garde partagée lui permet dans un premier temps de voir ses enfants un week-end sur deux lorsqu’ils sont au rendez-vous, car bien souvent, ils ne sont pas là. La non-représentation* de l’enfant est monnaie courante lors d’un divorce conflictuel. Bien qu’il s’agisse d’une atteinte aux droits des parents, il est vain de déposer plainte tant les commissariats sont débordés. Christophe voit de moins en moins ses enfants et plus les semaines s’étirent en mois, plus il doit redoubler d’effort pour recréer du lien avec eux. Un vrai sacerdoce pour les éduquer comme il se doit sans verser dans le « papa macdo ». L’aliénation parentale est sournoise autant pour les aliénés que pour le parent aliénant, elle se met en place inconsciemment et s’installe comme une gangrène qui peut pousser au suicide, tant la violence psychologique est grande. Une fois que l’aliénation parentale est installée chez l’enfant, l’esprit est formaté. Alex et Zoé vont jusqu’à oublier les moments heureux passés avec leur père.

Un regard bienveillant

Dans son malheur, Christophe a pu compter sur un soutien de taille, l’amour. Sa rencontre avec Sophie est presque un miracle au milieu de la tempête. Une bouffée d’oxygène qui lui apporte la confiance et la force pour continuer le combat. Concernant son ex-femme, à aucun moment du récit, Christophe ne la fustige ou ne la juge folle. Son livre n’est pas vengeur, au contraire, il fait preuve d’une grande empathie, toujours prompt à comprendre autant les raisons de son départ que la nature profonde de son état émotionnel. On sent dans l’écriture minutieuse de Christophe un besoin de coucher ses souvenirs avant que l’oubli ne s’y installe. Il raconte ses épreuves, mais aussi ces moments de joie partagés avec Alex, Zoé et sa femme Sophie. D’abord écrit pour lui-même, il a finalement décidé de le faire publier dans le but de sensibiliser le public et de soutenir les parents qui se reconnaîtront dans son histoire. Un récit cruel certes, mais écrit avec bienveillance et sagesse.

La fin et la foi

Au-delà du dénigrement, l’aliénation parentale peut aller jusqu’aux accusations et aux suspicions les plus abjectes. Pour des chatouilles par-dessus le pyjama, il est accusé d’attouchements sexuels. Cette grave accusation ne prend aucun détour. Un matin, les gendarmes arrivent au domicile et embarquent les enfants. Ce réveil brutal est un cauchemar. Les prochaines retrouvailles avec eux ne se feront plus que sous surveillance, appelée « visite médiatisée ». Après enquête, les accusations ont été classées sans suite. Christophe a fini par obtenir gain de cause, les juges et les avocats ont reconnu que son ex-femme exerçait, malgré elle, de l’emprise sur ses enfants. Le psychiatre chargé de l’affaire a recommandé de confier les enfants un an à leur père afin qu’ils se « re-programment ». Mais il est déjà trop tard.

Après neuf années de combat, ses enfants refusent catégoriquement de voir leur père. Christophe a fini par renoncer. Son image a été détruite, remplacé par un autre que lui, il n’a eu d’autre choix que d’accepter de faire le deuil de sa paternité. Un choix difficile qui se clôt par la publication de ce livre, comme une ultime bouteille à la mer : « Ils ont peut-être oublié qu’ils m’aimaient, mais moi, je m’en souviendrai toujours. Ces mots sont pour vous, pour que vous sachiez que je ne vous ai jamais abandonnés, pour que vous puisiez dans mon amour pour vous, la force de vous construire ». Ce sont les derniers mots du livre qui, on le souhaite, seront les premiers du prochain où les enfants devenus adultes renoueront avec leur père.

Papa, avoue, Christophe MIEZE, éditions Un Autre Reg’art, parution : 8 février 2023.

*L’enlèvement parental ou la non-représentation d’enfant sont des atteintes aux droits des parents (droit de visite, autorité parentale). Il peut s’agir du déménagement non signalé à l’autre parent ou du refus de ramener l’enfant à son domicile habituel. (source : service-public.fr)

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