Les élections peuvent-elles sauver Zelensky ?

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Un maître-mot : gagner du temps. Curieusement, cette façon de voir est partagée par les deux camps, mais pas pour les mêmes raisons.

Pour Vladimir Poutine, il s’agit de gagner du temps pour continuer sa guerre et espérer enfoncer de façon définitive les lignes ukrainiennes afin d’obtenir la capitulation. Pour Volodymyr Zelensky, il s’agit d’obtenir un répit pour son armée. Celle-ci est à bout de souffle, même si des progrès sont à noter sur le front de Koupiansk, ailleurs c’est la catastrophe. Même si l’armée résiste courageusement, elle n’a toujours pas su venir à bout des maux que dénonçait Mykhaïlo Drapaty, commandant des forces terrestres ukrainiennes, en remettant sa démission le 1ᵉʳ juin dernier. Outre la pénurie de soldats, Drapaty fustigeait « un manque d’initiative, une réticence à accepter les commentaires, une indifférence aux problèmes du personnel, un semblant de discipline et un fossé profond entre le quartier général et les unités ».

Ce constat n’était pas nouveau dans sa bouche. Drapaty n’a jamais été le genre d’officier à garder le silence face aux défauts de son armée. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appréciait au début, parce qu’il ne craignait pas de dire que l’armée était encore trop « soviétique » et centralisée dans sa structure de commandement, sa façon de donner des ordres et son manque de subsidiarité. Elle souffrait à ses yeux également d’un biais culturel hérité des cosaques qui fait qu’à l’inverse du centralisme du haut commandement, chaque brigade est indépendante, se finance, se procure une partie de son équipement, et fait même sa publicité pour recruter dans les rues de Kiev, n’hésitant pas à vanter ses mérites pour recruter. Personne n’en a vraiment tenu compte, sauf chez Azov et quelques régiments d’élite qui, comme par hasard, ne souffrent eux d’aucun problème de recrutement.

L’idée émise par le président ukrainien de tenir des élections d’ici huit mois est pour le moins astucieuse. Elle retire aux Russes l’argument de l’illégitimité d’un président qui, en raison de l’expiration de son mandat, ne l’est théoriquement plus. Pour les Ukrainiens, c’est un moyen de contraindre les Russes à une forme de cessez-le-feu ou de ralentissement du tempo opérationnel actuel, le temps du vote, et surtout d’encourager les alliés, européens surtout, à continuer à mettre la main à la poche. Pour le président ukrainien, c’est aussi le moyen d’être réélu alors qu’il se trouve dans une position où il incarne la résistance et non après la négociation où, de toutes les façons, il sera contraint de céder, notoirement des territoires, ce à quoi officiellement il se refuse. Mieux vaut être réélu maintenant que battu après pour avoir cédé. D’autant qu’un sondage le place autour de 20% contre 19% pour Valery Zaloujny, le très populaire ancien chef d’état-major de l’armée.

Pour l’impatient Donald Trump, pas sûr que l’idée séduise. Même si ce dernier a demandé à plusieurs reprises la tenue d’élections, Trump veut avant tout faire céder les Ukrainiens sur la question des territoires face à laquelle ces derniers affichent une intransigeance absolue. Or, qu’on retourne le problème dans n’importe quel sens, tant qu’aux yeux des Russes, il n’y aura pas de reconnaissance, de jure, pas de facto, de ce pour quoi ils se battent depuis bientôt quatre ans, il n’y a aucune chance de voir aboutir une négociation quelconque. Donald Trump le sait parfaitement. C’est la raison pour laquelle il a activé l’arme judiciaire de la corruption. Face à elle, Zelensky ne peut rien, en dehors de chercher du soutien auprès des Européens. À un moment, il va falloir que la situation se débloque, sinon Trump va se fâcher…

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