La revue Limite s’auto-dissout

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 Les revues qui laissent une trace dans l’histoire intellectuelle sont assurément celles qui font bouger les lignes et secouent pesanteurs du temps. Il est trop tôt pour savoir si la revue d’écologie intégrale d’inspiration chrétienne Limite aura un tel destin. Par la voix de son directeur Paul Piccarretta, elle vient d’annoncer son arrêt après sept années de bons et loyaux services à la pensée du pape François telle qu’elle a notamment pu s’exprimer dans l’encyclique Laudato si

Limite possède une ascendance connue. Les « Veilleurs » tout d’abord, ce mouvement spontané nait au sein de la « Manif pour tous », défendant comme elle la conception traditionnelle du mariage républicain mais désireux d’un approfondissement spirituel et culturel en réaction au monde moderne. On ne saurait non plus oublier l’influence qu’a pu avoir sur Limite la revue Immédiatement (1996-2004), qui se voulait monarchiste et souverainiste. Une même veine bernanosienne animait les deux publications qui furent intellectuellement des organes de rupture. Rupture avec le maurrassisme et une conception vieillotte du royalisme pour Immédiatement. Rupture avec un catholicisme de simple défense identitaire pour Limite

Fuir Zemmour sans séduire Mélenchon 

Éprise d’absolue, l’équipe de Limite a eu à cœur de montrer les dangers du monde technicien contemporain en mobilisant la pensée d’écrivains comme Georges Orwell, Jacques Ellul ou Georges Bernanos. Elle prit rapidement la décision stratégique de bousculer son lectorat originel pour lui démontrer qu’il était vain de contester des dérives bioéthiques sans s’attaquer aux racines intellectuelles d’une société où le profit financier a remplacé l’accueil des plus faibles. 

Il y avait quelque chose de singulier et de franciscain à promouvoir les maraîchers bio, le chant des oiseaux et la procréation naturelle auprès des rejetons de ce qui peut subsister de la bourgeoisie catholique française. La tentation de trouver de nouveaux lecteurs de l’autre côté des barricades contraria une partie du lectorat initial et la critique radicale du dogme du Progrès porté par la revue effraya les tenants du progressisme dans tous ses états qui composent la plupart des rangs de la gauche française contemporaine. Fuir Zemmour sans séduire Mélenchon constitua donc le paradoxe insurmontable de cette revue qui se voulait lyrique et révolutionnaire dans une époque ennuyeuse et conformiste. 

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