Ce fut un « oui, mais… » et plus vite qu’on ne l’avait imaginé. Donald Trump les avait avertis. Il avait donné quatre jours au Hamas pour préparer sa réponse, sinon il laisserait Israël « faire ce qui doit être fait », avec le « soutien total » des Américains. On pouvait presque se demander s’il s’agissait d’un plan de paix ou d’un ultimatum.
Tout n’est pas encore clair sur les chances d’aboutir à un cessez-le-feu total à Gaza et à une paix durable. Ce qui est certain, c’est qu’on a avancé dans cette direction et qu’on le doit à une seule personne : Donald Trump. On peut facilement moquer sa versatilité, ses coups de gueule intempestifs ou ses prises de positions à rebrousse-poil du commun des mortels, on ne saurait lui reprocher d’avoir des idées fixes. Sur Gaza, qui est le dossier peut-être le plus difficile de son mandat, il aura tout essayé. N’oublions pas qu’en janvier dernier, il avait déjà exigé du Hamas la libération de tous les otages le jour de son investiture. L’organisation terroriste palestinienne en avait libéré quelques-uns, notamment des binationaux américains, pour faire bonne figure, tout en se gardant bien de libérer les autres, présentés à juste titre comme la condition de sa survie.
La méthode Trump jusqu’ici nous a étonnés puis déroutés. Surtout quand, à l’occasion d’une visite de Benjamin Netanyahou à Washington, il proposait devant les yeux médusés de son interlocuteur que les États-Unis prennent possession de l’enclave pour la transformer en une nouvelle Côte d’Azur. Cette obsession de Trump pour l’immobilier de luxe vient de très loin. Elle remonte à ses jeunes années de promoteur immobilier newyorkais dont le père avait mis le pied à l’étrier et qui se mit à bâtir des tours et des casinos avec son nom sur le fronton. C’est cela, il ne faut jamais l’oublier, qui a conduit Trump là où il est. Il en garde une vision du monde où la quintessence du bonheur se niche dans un tapis vert, une quinte flush ou une partie de poker, avec tout ce qui va autour, les villas, les condos, les piscines… C’est le monde vu depuis un paradis floridien. Trump se fiche des contingences historiques ou culturelles des peuples, croyant connaître le cœur des hommes pour qui dépenser ou investir son argent est le symbole du bonheur.
Face à la misère des Gazaouis, le contraste est total. Ça ne l’empêche pas de revenir à la charge à chaque fois pour, in fine, imposer sa vision de bâtisseur, en l’occurrence de « rebâtisseur ». Ainsi, d’un tas de gravats ou d’un millefeuille de béton, il anticipe l’immeuble qui prendra la place, et le plan d’urbanisme qui va consacrer la renaissance. Même s’il aime la compagnie des golfs, qu’il considère comme sa respiration, Trump reste un urbain acharné et un New-Yorkais dans l’âme, ville d’échafaudages pour qui le temps et l’histoire n’ont aucune importance. Pas étonnant donc si la culture du ou des peuples en présence importe peu à ses yeux. Exemple : il est incapable de comprendre pourquoi l’Égypte et la Jordanie refusent d’accueillir les Palestiniens de Gaza. Que la première doive aux Frères musulmans, dont le Hamas est l’émanation, l’assassinat de leur président, Anouar el-Sadate, lui paraît anecdotique. Que la seconde ait eu à livrer bataille contre l’OLP qui tenta de renverser la monarchie lors du « Septembre noir » en 1970 lui échappe encore plus. La subtilité des divisions enracinées dans l’histoire du lieu le fatigue, et même si ses conseillers la lui rappellent, il en tient rarement compte, préférant se fier à son allégorie du bonheur sur terre : le casino, et tout ce qui va autour.
Que ce soit devant Kim Jong Un lorsqu’il évoque les plages de Corée du Nord comme ayant un fort potentiel pour l’investissement immobilier, les terres conquises par les Russes en Ukraine comme les meilleures parce qu’elles possèdent une vue sur la mer, ou qu’il décrit le retrait des troupes israéliennes de Gaza en 2005 comme un mauvais deal parce que cela revenait à laisser au Hamas encore une « vue sur la mer », Trump voit le monde comme une terre à construire.
Sauf que là, si son plan va au bout, il risque bien d’y parvenir. Les 20 points présentent encore de nombreuses zones d’ombre, notamment le désarmement du Hamas et la date du retrait des troupes israéliennes, mais la phase première est enclenchée. L’État hébreu se prépare à la libération de ses otages, les bombardements sur Gaza ville ont cessé. Trump, dit-on, est obsédé à l’idée de se voir décerner prochainement le prix Nobel de la paix, essentiellement parce que son rival Barack Obama l’a eu en début de mandat, sans avoir fait grand-chose, il faut le reconnaître, simplement sur sa bonne mine et son sourire. Cela fait des années que Trump enrage à cause de cela. Cette idée ira-t-elle au bout ? Rien n’est encore certain. Simplement, il convient de reconnaître que, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, l’homme aux cheveux orange se bat pour la paix comme un diable, de l’Arménie et l’Azerbaïdjan au Congo RDC et au Rwanda, de Moscou à Kiev, chaque jour il veut forcer la paix. Il est en passe d’y parvenir à Gaza. Souhaitons-lui « bonne chance ». Le monde en a besoin.
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