Au Bénin, la tentative de putsch ravive les tensions entre la France et l’AES

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La tentative de coup d’État avortée dimanche à Cotonou continue de provoquer des remous dans toute la région, en particulier au sein de l’Alliance des États du Sahel.

Si les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger n’ont pas officiellement réagi, leurs sphères militantes se sont immédiatement enflammées, annonçant prématurément le succès du putsch et l’entrée du Bénin dans l’AES. Une euphorie virtuelle qui illustre surtout la profondeur du rejet populaire envers les régimes alliés de Paris.

Des comptes pro-AES ont diffusé de fausses images affirmant l’arrestation de Patrice Talon, preuve de l’ampleur de la désinformation qui a circulé en temps réel. Derrière ces emballements, un narratif domine : selon plusieurs sources proches des juntes, c’est la France qui aurait « sauvé » le pouvoir béninois. Paris a d’ailleurs confirmé avoir fourni un appui opérationnel à la demande de Cotonou. De quoi renforcer l’idée, au Sahel, que la France continue de peser sur le destin politique de ses anciens pré carrés malgré leur volonté d’émancipation.

Dans les capitales sahéliennes, cette intervention est perçue comme la preuve de ce que les régimes militaires dénoncent depuis des années : l’ingérence persistante de la France dans les affaires africaines. « Nous, dans l’AES, avons rompu ces liens et c’est mieux ainsi », confie un cadre burkinabè. De fait, pour les partisans de l’alliance sahélienne, la réaction immédiate de Paris au Bénin montre que la Cedeao et ses alliés occidentaux n’ont pas renoncé à maintenir leur influence sécuritaire et politique dans la région.

Cette nervosité s’est d’ailleurs accentuée avec l’atterrissage d’urgence, le 8 décembre, d’un avion militaire nigérian au Burkina Faso. L’AES a dénoncé une violation de son espace aérien et placé ses défenses en état d’alerte maximale, permettant la neutralisation de tout appareil non autorisé. Un signal clair : le Sahel n’entend plus laisser passer ce qu’il considère comme des intrusions extérieures, même involontaires.

Dans ce climat tendu, le Nigeria, pilier de la Cedeao, a paradoxalement joué un rôle central dans l’échec du putsch au Bénin en menant des frappes pour soutenir Cotonou. Cet épisode confirme l’affrontement latent entre deux visions de l’Afrique de l’Ouest : celle d’une région arrimée à ses partenaires occidentaux et celle, incarnée par l’AES, qui revendique un repositionnement souverain et la fin des tutelles héritées.

Les prochains mois diront si le Bénin restera fidèle à son ancrage traditionnel ou si la dynamique sahélienne, portée par un profond rejet populaire des influences extérieures, finira par peser davantage que la protection française. Dans une Afrique de l’Ouest en recomposition rapide, chaque crise révèle un peu plus l’affaiblissement des anciens équilibres.

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