Société

Scoring : quand la CAF vous espionne

Les allocataires de la CAF sont-ils « notés » ? La Quadrature du Net met en évidence les dérives de l’algorithme anti-fraude utilisé par la CAF depuis 2012. Au bout d’un travail acharné, l’association a obtenu le code source du système informatique transmis par l’organisme social. Après l’avoir étudié et testé, ils ont découvert que l’algorithme attribuait des notes à ses allocataires. Comment ? La note individuelle est attribuée en fonction d’une quarantaine de critères : les données fournies par l’allocataire lui-même, les informations sur la gestion du dossier et les interactions entre le bénéficiaire et la CAF. Elle varie entre 0 et 1. Plus la note se rapproche de 1, plus l’allocataire est susceptible de frauder pour obtenir des prestations sociales. Les personnes proches de 1 sont notamment celles touchant le RSA, le chômage, ou habitant dans un quartier “défavorisé”. 

La fraude peut passer par la falsification de documents, la non-transmission de documents ou la non-déclaration d’un changement de situation auprès de la CAF. Dans de nombreux cas, le bénéficiaire ne tente même pas de frauder. Il oublie tout simplement de transférer les éléments pour compléter son dossier. Tous les allocataires ne sont pourtant pas des anges. Certains essaient de “profiter du système”. En 2021, la Cour des comptes estimait à 309 millions le montant des fraudes sociales. Un chiffre contesté par la CAF qui l’évalue à 2,8 milliards d’euros. Quant à la fraude fiscale, qui échappe à l’impôt, elle est estimée à 80 milliards d’euros, selon la Cour des comptes. 

Dans la réalité, une discrimination des plus précaires 


L’algorithme, aujourd’hui sujet à polémique, a été mis en place en 2012 sous Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Il souhaitait renforcer la détection des fraudes sociales. Cette volonté reste toujours au cœur des préoccupations du gouvernement actuel. En mai dernier, Gabriel Attal, alors ministre délégué chargé des Comptes publics, annonçait son plan de lutte contre les fraudes sociales. Parmi ses mesures, il prévoyait de ne plus verser de prestations sociales sur un compte répertorié en dehors de l’Europe et de contrôler davantage les arrêts maladies. 

La Quadrature du Net dénonce une discrimination des plus précaires, soumis à des contrôles plus fréquents. Il est logique que ceux qui bénéficient du plus grand nombre d’aides soient sujets à des vérifications récurrentes. Cependant, le score de “suspicion” s’appuie sur le postulat de la CAF que plus les bénéficiaires sont précaires, plus ils sont sujets à frauder l’organisme. Les associations, comme le collectif “Changer de cap”, alertent depuis plus d’un an sur l’utilisation de cet algorithme par la CAF. En outre, ce système, au-delà de détecter des erreurs, en commet aussi.

Une fraude sociale inférieure à la fraude fiscale


La journaliste indépendante Lucie Inland, a révélé que la CAF lui réclamait injustement de rembourser un trop-perçu. Autrement dit, le système a créé une dette. Elle avait été salariée pendant une période puis avait déclaré son changement de situation pour passer à un statut d’indépendante. L’algorithme n’avait calculé que sa période de travail en tant qu’indépendante sans prendre en compte le temps où elle avait été salariée. La CAF lui a donc demandé les prestations sociales perçues auxquelles elle aurait eu droit si toutes les informations avaient été prises en compte.

Cette journaliste n’est pas la seule à s’être retrouvée dans cette situation complexe. Nombre d’allocataires sont passés par là, et ont été contraints de rembourser la CAF pour une erreur qu’elle a elle-même commise. Le collectif “Changer de cap” a publié des témoignages de bénéficiaires victimes de ces erreurs, tel que celui de Florence : “Je ne peux pas survivre avec 300 € par mois. Or, la CAF vient de me réclamer plus de 1000€ de trop perçu concernant l’APL de 2021.”

Des notes au cœur de notre quotidien


La CAF n’est pas la seule à utiliser le “scoring”, note attribuée à une personne sur la base de critères. Les banques le font pour accorder des crédits. Elles vont prêter plus facilement de l’argent à des clients qui n’ont jamais eu de découvert et possèdent déjà plusieurs comptes bancaires bien fournis. Dans la législation française, la CNIL, Commission nationale de l’informatique et des libertés, encadre ce “crédit scoring” spécialement pour les banques. Elle accorde une “autorisation unique” qui porte sur la construction du score, la pertinence des critères et les traitements de mise en œuvre de l’outil, souvent un algorithme.

Ce système de notation peut vous sembler effarant. Pourtant, les notes sont au cœur de notre quotidien. Depuis l’enfance, nous sommes notés à l’école. Ensuite, dans le monde du travail, de nombreuses entreprises notent leurs employés. On laisse pourtant plus souvent au client la charge d’évaluer les employés : livreurs, taxis, service client… Le crédit social s’installe de plus en plus en France, imitant le modèle américain. Il prône des valeurs sociales et citoyennes vertueuses tout en instaurant une culpabilisation sous-jacente de ceux qui ne respectent pas ces valeurs.

Et vous, quelle note donneriez-vous à notre article ?

Un décryptage vidéo traitant de ce sujet est à retrouver sur les réseaux sociaux d’Omerta.

Laura Renoncourt

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Commentaires

philippe paternot

Il y a 10 mois

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lutter contre la fraude ne semble pas leur problème majeur, bof le français moyen doit bosser, payer des impots et la fermer

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