Tucker Carlson était connu pour sa sympathie envers l'ex-président Trump, candidat pour 2024
« Tucker Carlson Tonight » c’est fini ! L’émission phare de Fox news, diffusée tous les soirs à 20 heures depuis 2017, était suivie par trois millions de téléspectateurs. Son animateur éponyme, Tucker Carlson, vient d’être licencié après qu’un communiqué laconique ait été lu lundi sur le coup de 11 heures à l’antenne par la journaliste Harris Faulkner : « nous remercions Tucker Carlson des services qu’il a rendus à la chaîne en tant qu’animateur et, avant cela, en tant que collaborateur. » C’est peu dire que le divorce fut pour la chaîne délicat : star reconnue de la droite américaine, il avait installé son show comme un rendez-vous incontournable pour les électeurs du Parti républicain. C’était évidemment un atout pour Fox News, qui court après une audience toujours friande de coups de gueule et de phrases chocs.
Une audience chère en procès
Relayant les accusations de fraude électorale de l’administration Trump, Carlson avait notamment mis en cause l’entreprise Dominion laquelle exploite le système de vote électronique. Alors qu’elle menaçait de poursuivre la chaîne et l’animateur en justice pour diffamation, Fox News a versé 787,5 millions de dollars pour éviter un procès.
Le coût politique d’un licenciement
Fox News prend un risque en se séparant de son animateur vedette. L’influence de Tucker Carlson sur la base du Parti républicain était grande. Faisant et défaisant les réputations, il pouvait lancer l’opprobre sur un élu en pointant sa duplicité face au politiquement correct ou sa tiédeur à défendre la politique de Trump. Un blâme lancé en direct à « Tucker Carlson tonight » sur un sénateur ou un représentant pouvait valoir promesse de défaite pour les primaires républicaines tant ses jugements étaient écoutés. À l’inverse, il a pu lancer sur la scène nationale des jeunes pousses républicaines comme Josh Halley ou JD Vance, en les invitant en prime time. Partie prenante du dispositif de Trump pendant sa présidence, sa voix tétanisait les élus républicains qui auraient pu être indociles envers le président.
Très populaire depuis la présidence Trump, on l’a souvent comparé à Rush Limbaugh ou Glenn Beck, deux autres éditorialistes vociférants qui occupaient la scène pendant les années Clinton et Obama en faisant l’originalité et la truculence des médias conservateurs américains. Mais, Tucker Carlson avait aussi réussi à forger un style bien à lui. Ses monologues logorrhéiques face caméra rappelaient la dramaturgie shakespearienne et notamment les soliloques de Macbeth ou de Richard III dont s’étaient inspirés avec Frank Underwood les auteurs de «
House of Cards ». Il offrait à un public qui en redemandait d’impayables grimaces et réactions surjouées suivies de mimiques exagérées, tantôt amusées, tantôt imprécatrices… avec un ton toujours assertif et sentencieux. Mais son originalité n’était pas seulement formelle et théâtrale. Plus structuré idéologiquement que nombre de ses confrères, Tucker Carlson pouvait critiquer l’affairisme du parti républicain et même parfois certaines décisions de l’administration Trump dont il était pourtant proche. Le 4 janvier 2020, lendemain de la mise à mort de Qassem Soleimani, le numéro deux du régime iranien, abattu par un drone en Irak, Carlson mit en garde en garde contre le
warmonger ou «
marchand de guerre » de Washington, rappelle à Trump ses promesses de campagne mettant aussi en cause directement son entourage décidé à continuer la folie des grandeurs géopolitique (
foreign adventures) et décidé à
« ignorer le résultat de l’élection et ses implications ». Comme sous l’Ancien Régime, on ne critique pas directement les décisions du roi mais l’influence de ses conseillers.
Il se plaçait en cela au diapason d’une opinion républicaine de plus en plus sceptique devant l’interventionnisme des néo-conservateurs et régulièrement tenté par l’isolationnisme en matière de politique étrangère. Dénonçant évidemment avant tout chose les élites urbaines et progressistes, il invitait régulièrement les élus républicains à une inflexion en faveur des couches populaires – faisant sien le concept marxiste de «
lutte des classes » là où son parti a longtemps défendu un capitalisme prédateur et dérégulé. Nationaliste, protectionniste, populiste, en rupture avec le néo libéralisme… il est un des acteurs de la mutation idéologique du GOP qui, avec Donald Trump, est passé de la défense des intérêts des milieux d’affaire à celle des classes moyennes et populaires conservatrices. Dans une vidéo postée aujourd’hui, Tucker Carlson n’est pas vraiment revenu sur les circonstances de son licenciement mais s’est plutôt livré à un épilogue catastrophé sur l’état de l’Amérique et la censure qui étouffe le débat public.
Testament politique ou manifeste d’un futur engagement ?
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