Géopolitique
Paul Antoine : « Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Serbie ? »
Emmanuel Macron s’envole aujourd’hui pour Belgrade où il doit notamment rencontrer son homologue serbe Aleksandar Vucic. Spécialiste des Balkans et notamment de la géopolitique serbe, Paul Antoine nous éclaire sur ce séjour, à la veille de la nomination du Premier ministre français et au lendemain de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques.
Jérôme Besnard
29 août 2024 à 07:00
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Dans quelles conditions géopolitiques cette visite prend-elle place ?
Il intervient dans un climat politique très compliqué pour le Président de la République d'un point de vue de la politique intérieure française. L'agenda du Président de la République indique comme raison officielle pour cette visite de "solidifier l'ancrage européen de la Serbie". On se souvient que la Serbie est officiellement candidate pour intégrer l'Union européenne sans pour autant montrer une farouche volonté d’y parvenir. En effet, pour intégrer l'UE, la Serbie doit reconnaître l’indépendance du Kosovo, sa province méridionale sécessionniste, et surtout s’aligner sur la politique étrangère commune de l'UE notamment vis-à-vis de la Russie et donc adopter des sanctions contre la Russie, ce qui est impossible à faire en Serbie. Certains experts politiques serbes affirment même que l'adoption de telles sanctions contre la Russie par la Serbie serait un motif de révolution intérieure.
Existe-t-il des raisons économiques précise à cette visite ?
Dans la réalité il va être question, le Président serbe Alexandar Vucic l'a rappelé lundi dans une émission de télévision serbe, du contrat d'achat des 12 avions Rafale par l'Armée de l'air serbe. Aussi le Président serbe veut redoter son pays de centrales nucléaires et voudrait donc collaborer avec EDF dans cette optique.
Je pense que pour Emmanuel Macron ce voyage, outre qu’il s'entend par ailleurs très bien avec Vucic, lui permet de s'échapper du bourbier politique français de se présenter au-dessus de la mêlée et de rappeler qu'il a du travail. En cas de signature de contrats il pourrait même dire "vous voyez, pendant que vous vous battez comme des enfants dans une cour de récréation moi je bosse et je vends le savoir-faire français à l'international.
Pour Aleksandar Vucic, qui va connaître une rentrée politique très mouvementée suite au projet d'extraction de lithium en Serbie par la société Rio Tinto, cela lui permet de montrer à la population Serbe qu'il a des soutiens à l'international. Cela lui permettrait aussi en cas, d'achat des Rafale, de contenter son aile droite nationaliste qui souhaite un renforcement des capacités militaires serbes notamment en raison de la situation du Kosovo.
En quoi l’achat d’avions de chasse français est importante pour le pouvoir serbe ?
Aleksandar Vucic renforcerait alors son indépendance vis-à-vis des USA en achetant du matériel français mais aussi et surtout vis-à-vis du grand frère Russe. Jusque-là la Serbie, et avant elle la Yougoslavie avait une politique de souveraineté liée à des achats d'équipements militaires à la Russie, ou la Biélorussie pour ce qui est du matériel de haute technologie. C'est pour cela que, pour le moment le gros de l’aviation de la chasse Serbe est composée de MIG 29 biélorusses.
Ce contrat est bien plus important que ce qu’on croit généralement en France et en Serbie, car il permettrait à la France de relancer la vente de Rafale qui connaît des ralentissement et pour les Serbes d'avoir un matériel de pointe et donc de se rapprocher de le France. Il est toutefois assez surprenant que la Serbie achète douze avions de combat Rafale pour un coût exorbitant de trois milliards d'euros selon la presse française spécialisée, à l'heure ou la guerre aérienne se fait principalement avec des drones car justement bien moins coûteux.
Propos recueillis par Jérôme Besnard
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