Michel Maffesoli, Philosophe
Le philosophe Michel Maffesoli, connu pour ses travaux sur la postmodernité, a accordé un entretien exclusif à OMERTA. Le sociologue du peuple postmoderne ne fait aucune concession, et prend de la hauteur.
OMERTA : Que vous évoque le mot « wokisme » ?
Dans le pamphlet que je publierai l’année prochaine, Le temps des peurs, il y a un chapitre dédié au wokisme. Selon mon analyse, ce mouvement n'est que la suite légitime, le combat d’arrière-garde de la philosophie des Lumières. Ce qui a été le propre du XVIIIe siècle à travers la déconnexion par rapport à l'ordre des choses et aux lois de la nature, ce sont les fameux droits de l'Homme. Ceux-ci constituent un vrai scandale par rapport à la pensée de Saint Thomas d'Aquin.
Dans son livre L'Enracinement, Simone Weil montre dès la première page comment à cause des Droits de l'Homme, le devoir a été oublié « les droits sont une dénégation de l'obligation » écrit-elle. La philosophe démontre qu'il y a une nécessité pour l'Homme d'être enraciné et qu'il a des devoirs par rapport à la nature et à ses lois.
Au XIXe siècle, les Droits de l'Homme ont conduit aux théories de l’émancipation. La pensée hégélienne et le marxisme sous ses diverses modulations, n'ont fait que tirer les conséquences de la philosophie des Lumières. Le marxisme, le léninisme, le stalinisme en ont ainsi découlé.
O : Pourtant, le wokisme se pose en anti-modernisme, il s'oppose à l'universalisme qui est propre aux Lumières, il préfère fragmenter la société en groupes, en communautés...
Disons que c'est une expression caricaturale de la pensée des Lumières, et comme toute caricature, elle est perverse, c'est-à-dire qu'elle empreinte des voies détournées. Certes le wokisme ne promeut pas l'universalisme, mais il veut ériger chacune de ses causes comme étant un universel, donc il demeure dans cette logique. Il dénie en vérité l'existence de l'autre, de celui qui n'est pas noir, celui qui n'est pas homosexuel, etc.
Dans mon livre, je reprends pour expliquer ce phénomène, l'analyse de Julien Freund. Le polémologue expliquait que lorsqu'une armée pressent qu'elle est en train de perdre un combat, c'est à dire lorsqu'elle est prise dans un combat …
Jean-Jacques Delahaye
Il y a 3 mois
Signaler
0
Monsieur Maffesoli est égal à lui-même, c'est-à-dire clair, concis, imparable! Merci Monsieur et comme l'écrit Pierre Magnard : "Penser, c'est rendre grâce"
Aude Giraudet
Il y a 3 mois
Signaler
0
Passionnant!