Politique

Emmanuel Macron au pied du mur

Les professeurs de droit constitutionnel se frottent les mains. Rarement au cours de la Ve République, qui demeure un modèle de stabilité malgré ses abaissements successifs, on aura autant eu besoin de leurs éclairages. Il faut probablement remonter à 1986 et à la première cohabitation entre François Mitterrand et Jacques Chirac pour retrouver un tel attrait des commentateurs de la vie politique pour cette noble discipline. 

On se souvient de la définition donnée en conférence de presse le 31 janvier 1964 par le général de Gaulle : « Une constitution c’est un esprit, des institutions, une pratique. » Nul besoin d’être docteur en la matière pour comprendre qu’en déclenchant le processus de l’article 49.3 pour faire adopter la réforme de notre système de retraites, l’Élysée et Matignon ont respecté les institutions, mais en activant une pratique contraire à l’esprit de la constitution dans ce cas précis. En effet, l’introduction du 49.3 dans nos institutions avait originellement pour but de contraindre une majorité à un minimum de discipline. L’utiliser autant que faire se peut afin de pallier l’inexistence d’une majorité absolue n’était pas l’objectif de la procédure. 

Recourir au référendum

S’il avait été gaullien, Emmanuel Macron aurait recouru au référendum de l’article 11. Mais depuis Jacques Chirac en 2005, aucun Président de la République ne s’est risqué à provoquer un référendum. Notre constitution a pourtant été en partie construite autour de la nécessité d’un recours régulier à cet instrument de démocratie directe. Le général de Gaulle y eut recours pas moins de cinq fois en une décennie. Mais désormais l’appel au peuple que constitue un référendum fait peur à nos dirigeants. 

S’il ne veut recourir au référendum – qu’il est presque assuré de perdre – Emmanuel Macron peut utiliser l’autre arme en sa possession : la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est ce qu’avait fait le général de Gaulle en 1962 après que son gouvernement a subi la seule motion de censure votée sous la Ve République. Cette dissolution lui permit d’obtenir une majorité franche. Serait-ce le cas aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr puisque nous sommes passés d’un bipartisme à un quadripartisme tendant vers le tripartisme. Pour autant, l’immobilisme présidentiel ne peut déboucher que sur quatre années d’inaction forcée. Ce serait autant de temps perdu pour la France.

Cette séquence parlementaire a d’autant plus de mérite que nous ne sommes pas, en France, en régime présidentiel comme c’est le cas aux États-Unis. Depuis les débuts de la IIIe République, nous sommes en régime parlementaire où le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale. En contrepartie, la monarchie présidentielle mise en place par le général de Gaulle possède le droit de dissolution précité. Là se trouve l’équilibre des pouvoirs seul capable de produire une légitimité populaire à même de garantir notre souveraineté nationale. La seule réforme constitutionnelle urgente serait de revenir au septennat pour découpler l’élection présidentielle des élections législatives. Une autre mesure forte serait de remettre en cause la primauté du droit européen sur le droit national. Vaste programme.

Jérôme Besnard

Soutenez un média 100% indépendant

Pour découvrir la suite, souscrivez à notre offre de pré-abonnement

Participez à l'essor d'un média 100% indépendant
Accédez à tous nos contenus sur le site, l'application mobile et la plateforme vidéo
Profitez de décryptages exclusifs, d'analyses rigoureuses et d'investigations étayées

Commentaires

Thierry Picano

Il y a 2 mois

Signaler

0

"remettre en cause la primauté du droit européen sur le droit national." je confirme que c'est indispensable.

À lire

Serbes du Kosovo : ce peuple qu’on oublie trop souvent

Les regains de tensions entre Serbes et Albanais survenus ces dernières semaines au Kosovo n’ont de cesse de nous rappeler l’histoire des relations entre ces deux peuples. Et pour cause, 15 ans après la déclaration d’indépendance du Kosovo, la Serbie entend se battre pour conserver cette province qu’elle considère comme son « cœur historique ».

Manifestation en hommage à Clément Méric, le deux poids deux mesures du gouvernement

Samedi et dimanche dernier s’est tenu le « weekend international de l’antifascisme ». Le point culminant de cette évènement fut la manifestation de dimanche pour commémorer la mort de Clément Méric, militant antifasciste mort lors d’une rixe. La tenue de cette évènement, sa couverture médiatique et le dispositif de police déployé pour encadrer la manifestation démontre la différence de traitement entre les deux extrêmes.

Transition écologique et financement, le nœud gordien de Borne

Après la réception du rapport de France Stratégie « Les incidences économiques de l’action pour le climat », co-rapporté par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, le gouvernement se prépare au lancement d’un grand plan pour la transition énergétique et la réduction des gaz à effet de serre.

Exit Jean Haudry

L’écrivain belge Christopher Gérard réagit à l’annonce de la disparition d’un des pères des études universitaires indo-européennes en France.

Nous portons plainte

Face à un article diffamatoire de Télérama, le président d’OMERTA réagit et annonce déposer plainte. D’autres plaintes sont également déposées contre Le Monde, Libération et la Lettre A.

À Voir

Iran : retour d'expérience sur CNews de Régis Le Sommier

Débat entre Régis Le Sommier et BHL