Société

Black Friday : aubaine pour les Français ou orgie de capitalisme ?

Le Black Friday, c’est désormais presque une institution en France. Le troisième week-end de novembre, pile-poil un mois avant Noël, tous les prix sont cassés. En théorie, il ne dure qu’un vendredi -d’où son nom, mais il se prolonge en fait jusqu’au lundi, le « Cyber Monday ». La pratique vient des États-Unis, des années 30 ou 60 selon les versions, et se déroule au lendemain de la Thanksgiving, grande fête américaine. Apparu dans les années 2010 en France, il gagne en notoriété au fil des années, et enrichit particulièrement les sites de commerce en ligne comme Amazon, Rakuten ou Cdiscount. Cette année, 70% des consommateurs en ligne profiteront des offres exceptionnelles pour faire des achats, selon un sondage d’Harris Interactive. Comme le rapporte Le Figaro, le Black Friday rapporte aujourd’hui plus que Noël pour ces plateformes.  
 

La promotion à coups de marteau 

Les promotions s’enchaînent : « shopping à prix massacrés » ; « c’est Noël avant l’heure ! » ; « Jusqu’à -90% ! » crient les entreprises, dans les annonces en ligne. « Les promos à ne pas rater » ; « ça n’arrive qu’une seule fois dans l’année » ; « équipez-vous en un rien de temps ! » soufflent-elles à toutes les oreilles. Et pour cause : en 2020, c’était près d’un milliard d’euros qui était dépensé dans des offres « spécial Black Friday ». 62% des Français en profiteraient d’ailleurs pour y faire leurs courses de Noël, pour un budget de 255 euros en moyenne en 2022. Et 71% des Français en ont une bonne image (toujours selon Harris). Le Black Friday, c’est par exemple dix fois plus de colis livrés à Paris que dans le reste de l’année. 
Et même les médias s’y mettent !  « C’est le meilleur jour de l’année pour faire des économies » titre BFMTV, « voici la liste ultime pour en profiter un max aujourd’hui » écrit Ouest-France, et au Figaro, on retrouve « les offres et codes promos à saisir d’urgence ». Quid des journaux de gauche, alors ? Libération, titre bien « Folie commerciale, Black Friday : les alternatives à l’offensive », mais restez quelques secondes sur la page et vous verrez apparaître un « pop-up » intitulé : « Libé Friday, 70% de réduction ». En réalité, le collectif anticapitaliste Attac est la seule opposition réellement visible à l’évènement.  
 

La société de consommation jusqu’à la nausée 

« L’occasion à ne pas manquer » se traduit cependant par un désastre écologique, dû à la fois à la surconsommation et au transport, alors que les sites de commerce en ligne explosent leurs ventes. Selon l’ONG Zero Waste France, le gaspillage serait par ailleurs plus important durant ces quatre jours. La fast-fashion, vêtements de piètre qualité à bas-coût, en profite d’ailleurs largement pour y vendre en masse : 68% des consommateurs français au Black Friday achètent des vêtements ou accessoires de mode… en oubliant sans doute qu’une certaine partie de ces produits est fabriquée en Chine ou au Bangladesh, parfois dans des conditions douteuses. D’où l’expression de « Black Season » en Chine, pour parler de la période précédant le Black Friday et Noël.  
Le coût social est d’autant plus fort que ce sont la plupart du temps de grandes multinationales qui s’enrichissent de cet évènement. Les plus petits commerçants, eux, n’ont pas leurs marges de manœuvres et ne peuvent donc les concurrencer sur ces promotions brutales. Alors que les Français sont souvent unanimes pour critiquer les grands patrons et les conditions de travail d’entreprises comme Amazon, ils semblent oublier leur conscience sociale le temps d’un week-end.  
Pis encore, l’électronique et l’électroménager, achetés par 66% des consommateurs. Succombant au marketing agressif de marques comme la Fnac-Darty ou Apple, nombre d’entre eux n’hésitent pas à utiliser le « Cyber-Monday » pour changer de téléphone ou d’ordinateur. Or, ces produits sont particulièrement coûteux en matières premières et dégagent une importante quantité de CO2. Alors que plus de la moitié de l’électroménager en panne n’est jamais réparé, le Black Friday apparaît comme la solution idéale pour certains consommateurs de remplacer un produit défaillant.  
 

Des initiatives pour consommer autrement 

Face à la machine de guerre capitaliste, difficile de résister. Pourtant, des initiatives, n’ayant pour l’instant qu’une faible popularité, tentent de faire leur place pour inciter à consommer autrement.  
La plus notable d’entre elle est le « Green Friday ». Son objectif est de « sensibiliser les citoyens à une consommation plus responsable sans les culpabiliser ». Un combat que l’on pourrait rapprocher avec celui de Charles Huet, fondateur de La Carte Française, que nous avions interrogé pour OMERTA. L’idée du Green Friday est donc d’alerter les citoyens sur les coûts réels de leur consommation, qui ne se traduit pas seulement en billets de banque, mais aussi en conditions de travail, ou en impact carbone.  
Ainsi, un produit fabriqué en France génèrera douze fois moins de carbone qu’un produit Made in China, et assurera de meilleures conditions de travail aux salariés. L’idée générale est ainsi de consommer moins, mais mieux, et ce, sans stigmatiser une classe populaire dont les faibles marges de manœuvre ne lui permettent parfois pas de changer de mode de consommation.  
Le combat est aussi du côté de l’UFC Que Choisir, célèbre association de consommateurs qui alerte sur les « fausses promotions ». La méthode est simple : augmenter artificiellement les prix un mois avant pour les réduire « exceptionnellement » durant le Black Friday. En clair, même l’avantage financier n’est pas forcément au rendez-vous.  
70% des Français considèrent que le Black Friday s’apparente à de la surconsommation. Le prix reste cependant leur deuxième critère d’achat, très loin devant la « responsabilité sociale et environnementale de la marque ». Une opinion en partie tendancielle, alors que la France subit sur l’année 2022 une inflation de plus de 6%.  

Alexandre de Galzain

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