Les affrontements militaires se poursuivent dans la ville d’El-Fasher, à l’ouest du Soudan, exposant la population civile à de graves dangers. Les habitants, pris au piège dans cette zone de conflit, souffrent d’un manque criant de nourriture et de médicaments, tandis que les violations à leur encontre se multiplient.
La ville est actuellement sous le contrôle de l’armée soudanaise et de forces alliées comprenant plusieurs groupes islamistes radicaux, des factions affiliées aux Frères musulmans, ainsi que d’autres milices combattant aux côtés de l’armée depuis le début de la guerre.
Aide à l’évacuation
Le journal The Independent a révélé en juillet que les Forces de soutien rapide (FSR) ont incité les civils à quitter El-Fasher, en leur fournissant une assistance à la sortie par la région d’Abouja, avec des aides et des facilités logistiques.
Le Mouvement de libération du Soudan, allié aux FSR, a renouvelé son appel à la population d’El-Fasher et des camps de déplacés alentour à quitter la zone vers des régions plus sûres. Les FSR ont identifié plusieurs zones d’accueil dans le nord du Darfour, telles que Warma et Ain Siro, ouvertes aussi bien aux civils qu’aux soldats de l’armée souhaitant se replier. Une aide humanitaire et des soins y sont fournis.
Le président du mouvement, El-Hadi Idris, a déclaré sur la chaîne Asharq qu’El-Fasher est devenue une zone d’opérations militaires, exhortant les habitants à évacuer en toute sécurité. Il a nié catégoriquement l’existence d’un blocus empêchant les civils de sortir.
Dans un autre communiqué publié ce mois-ci, les FSR ont affirmé avoir abattu un drone de type « Akıncı », utilisé selon elles par l’armée soudanaise et ses milices alliées pour mener des frappes indiscriminées contre les civils et cibler des infrastructures telles que des hôpitaux, des écoles et des installations publiques.
La plateforme Al-Haqiqa a rapporté sur X (anciennement Twitter) qu’en juin dernier, environ 890 familles avaient quitté El-Fasher pour rejoindre d’autres zones du nord du Darfour, en réponse aux appels à un départ sécurisé, face aux bombardements aléatoires et aux abus commis par des milices extrémistes alliées à l’armée, cherchant à empêcher les civils de fuir les zones de combat.
Le mois dernier, le Programme alimentaire mondial a annoncé l’envoi d’un convoi humanitaire depuis la ville d’Al-Dabba vers El-Fasher, transportant des vivres de première nécessité. Ce convoi est arrivé à destination sans rencontrer d’obstacles de la part des groupes armés, à l’aller comme au retour.
Empêchement de la population à fuir
Malgré les tentatives répétées de la population pour fuir El-Fasher durant les combats, l’armée et ses milices alliées, qui contrôlent une grande partie de la ville, ont empêché de nombreux civils de partir.
La plateforme Taassiss a recueilli des témoignages de résidents d’El-Fasher et du camp de déplacés d’Abu Shouk, dans le nord du Darfour, accusant l’armée et ses alliés d’avoir empêché des dizaines de familles de quitter la ville. Ces familles ont été contraintes de rester dans des conditions extrêmement difficiles, sans accès aux soins ni à la nourriture, alors que le nombre de blessés et de malades ne cesse d’augmenter.
Le site Sudan Tribune a par ailleurs signalé que l’armée avait intercepté des civils, parmi lesquels des enfants et des personnes âgées, alors qu’ils tentaient de sortir par la porte de Shala, les obligeant à retourner en ville.
Un témoin cité par le site a déclaré que ces agissements de l’armée et de ses milices s’inscrivent dans la continuité d’une politique déjà appliquée par les forces conjointes, consistant à empêcher les déplacés de quitter le camp de Zamzam et d’autres zones de conflit, sans égard pour les risques encourus par les civils. Il a qualifié ces pratiques de « crime à part entière ».
Nizar Jlidi
Journaliste et analyste politique