Les Russes ne sont pas toujours très discrets quand ils veulent nous espionner. Ayant eu un père sous-marinier, il me racontait qu’à chaque sortie du « Tonnant », le SNLE à bord duquel il servait comme officier au début des années 80, il trouvait chaque fois sur sa route, à la sortie du goulet de Brest, un chalutier soviétique avec des antennes en forme de cannes à pêche.
En revanche, lorsqu’ils décident de se diluer dans l’océan – c’est le terme pour un sous-marin nucléaire quand il disparaît sous l’eau –, les Russes savent aussi être indétectables. Ils l’ont prouvé et de manière magistrale lors d’une opération de l’OTAN le 29 février 1996.
Il faut imaginer la scène : plusieurs marines étaient réunies au nord de l’océan Atlantique. L’opération « Strong Resolve » (forte détermination) allait s’achever. Elle avait mobilisé plusieurs groupes aéronavals des nations de la plus puissante alliance sur terre. Les militaires vantaient déjà son succès. Les hélicoptères sillonnaient le ciel. Des radars et des sonars dernier cri avaient été testés. Quand tout à coup, des profondeurs de l’océan, tel l’invité qu’on n’attendait pas, surgit un sous-marin nucléaire lanceur d’engins russe. Il s’agissait du K-448 « Tambov », un monstre de la classe Victor-III. Il avait côtoyé pendant plusieurs semaines les frégates britanniques, américaines, hollandaises et norvégiennes, sans qu’à aucun moment aucune d’entre elles n’ait été capable de le détecter. Si le sous-marin avait décidé de faire surface, révélant sa présence aux puissances occidentales, c’est uniquement parce qu’à son bord, un marin s’était gravement blessé et qu’il fallait l’évacuer d’urgence. Ce fut fait d’ailleurs, grâce à l’aide d’un hélicoptère de la marine américaine. Il s’agissait d’une urgence humanitaire. Mais pour les marines de l’OTAN, cet échec à détecter l’intrus fut perçu comme une humiliation. La presse britannique n’était pas tendre. Pour elle, il s’agissait de la « pire humiliation navale depuis la guerre froide ».
Trente ans plus tard, les sous-marins russes des classes Yasen et Borel ont encore amélioré leurs techniques de propulsion pour éliminer le bruit. Par exemple, le dernier-né de la flotte, le Yasen-M, mis en service en 2023, dispose sur son kiosque de milliers de plaques de caoutchouc qui absorbent les sons comme une éponge. Les experts navals et les oreilles d’or estiment que ce sous-marin est quasiment indétectable. Les Chinois ne sont pas en reste dans la discrétion. Ils disposent d’un sous-marin, le SSBN, également ultrasilencieux, dont ils produisent entre 5 et 6 exemplaires par an. Bref, si elles ont elles aussi de beaux fleurons très silencieux, nos marines ne sont pas au bout de leurs surprises avec de tels adversaires. En ces temps agités, il est grand temps de prendre conscience qu’on n’a pas face à nous des gens qui utilisent les puces de leurs machines à laver pour faire fonctionner leurs chars, comme le disait madame Van der Leyen…





