En préparant un plan de paix en 28 points, inspiré de celui pour Gaza, les Américains semblent accepter les exigences des Russes et oublier l’Ukraine. Comprenant qu’ils allaient être exclus des négociations, les Européens et les Ukrainiens ont proposé que des amendements au plan soient discutés à Genève.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio s’est rendu sur place pour tenter de « corriger le tir », ayant compris que le nouveau plan de paix donnait la part belle à Moscou. Entre temps, le plan Trump s’est vu accusé d’avoir été dicté par le Kremlin via la plume de Kirill Dmitriev, celui qu’on surnomme « monsieur USA » dans l’équipe de Vladimir Poutine.
C’est en réalité l’entente cordiale qui existe depuis le début des négociations en février dernier entre Steve Witkoff et Kirill Dmitriev qui aura permis l’élaboration du plan. Le Financial Times explique qu’au sein de l’administration, Steve Witkoff, le promoteur immobilier, adepte du deal comme son patron, a désormais supplanté le gendre diplomate Jared Kushner. Si ce dernier avait été en avant autrefois sur les accords d’Abraham en 2020 et, plus récemment, sur la phase finale de l’accord sur Gaza, il a depuis pris ses distances, laissant les manettes à un homme qui, il y a encore quelques mois, peinait à prononcer les noms des oblasts ukrainiens conquis par la Russie. Ça faisait désordre, mais Witkoff a su apprendre. Il met toujours en avant le bon sens que sa qualité de promoteur immobilier lui a donné pour justifier sa position. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est la propension qu’il y a chez lui à ne jamais cacher une certaine admiration pour Poutine. Toujours est-il que le nouveau plan était fortement orienté vers les propositions de Moscou. Dmitriev disait qu’il s’inspirait de « l’esprit d’Anchorage » où Trump semblait sur la même ligne que Poutine, ce qui eut comme conséquence de provoquer le réveil des Européens.
La publication du plan par le site Axios dans un premier temps eut pour conséquence une nouvelle levée de boucliers des alliés de l’Ukraine. Rubio se rendit donc à Genève pour évaluer ce qui était acceptable pour les deux parties. Il qualifia la réunion de « très positive ». Or, dans les faits, si on s’accorda sur quelques points du plan, les plus critiques furent laissés à la charge des chefs d’État. Soit la question de la cession de la Crimée et de l’intégralité du Donbass, celle des garanties de sécurité accordées à l’Ukraine pour éviter que la guerre ne recommence, celle de la taille maximale de l’armée ukrainienne et enfin celle du devenir des placements russes gelés en Europe. Autant dire, pour plagier Shakespeare, beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Quand madame Van der Leyen s’exprime sur l’Ukraine le jour des négociations en disant que l’Europe refuse que l’Ukraine abdique sa souveraineté, cela signifie qu’elle place d’emblée le nouveau plan comme inacceptable aux yeux des Russes. C’en est presque à se demander si les Européens ne font pas finalement le jeu de la Russie dans ces négociations. Il reste que le temps passe, et la situation se détériore sur le front, non plus seulement cette fois dans le Donbass, mais à Zaporijjia où l’armée russe rencontre de moins en moins de résistance en direction de la ville de Houliaipol.
Comme à chaque fois qu’un plan échoue ou donne du mou, il est nécessaire de se poser la question : l’Ukraine n’a-t-elle pas intérêt à signer maintenant pour préserver davantage de territoire, car dans six mois, elle risque d’être dans une position de faiblesse encore plus grande ? Poutine voudra alors continuer, persuadé qu’il obtiendra la capitulation de Kiev sur le champ de bataille.
Voir aussi : Zelensky et l’Europe sabotent la paix





