Bosnie : Milorad Dodik évincé, mais toujours dans l’ombre du pouvoir

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Après près de vingt ans de domination politique, Milorad Dodik a été officiellement remplacé samedi à la tête de la Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie.

Son éviction, imposée par la Commission électorale après une condamnation pour non-respect de l’accord de paix de Dayton, marque la fin d’une ère politique, en apparence seulement. Son héritière désignée, Ana Trisic Babic, fidèle conseillère de longue date, a été élue présidente par intérim à Banja Luka, assurant la continuité de l’influence de Dodik sur les institutions serbes de Bosnie.

L’ancien président, condamné en février à un an de prison et interdit d’exercer pendant six ans, dénonce une « inquisition politique » orchestrée depuis Sarajevo et soutenue par l’Occident. Accusé d’avoir défié l’autorité du Haut représentant international, Christian Schmidt, Dodik a vu sa chute politique accélérée par les pressions diplomatiques américaines. Washington avait multiplié les sanctions contre ses proches avant d’en lever certaines ces derniers jours, signe d’un compromis discret visant à stabiliser la région.

Ce revirement politique, qualifié de « capitulation » par plusieurs députés de l’opposition, s’est accompagné de l’abrogation de lois séparatistes et d’un renoncement à un référendum contestataire. Officiellement affaibli, Dodik reste pourtant président de son parti, le SNSD, et conserve une emprise considérable sur les structures de pouvoir locales. En privé, il continue d’affirmer que son « seul objectif reste la Republika Srpska indépendante », une position qui alimente les tensions communautaires dans un pays toujours fracturé trente ans après la guerre.

Les États-Unis, désormais plus impliqués dans le dossier bosnien, voient dans la nomination d’Ana Trisic Babic un signe d’apaisement. Mais pour de nombreux observateurs, la manœuvre ne fait que masquer la réalité : Dodik n’a pas perdu le pouvoir, il l’exerce désormais par procuration.

Dans une Bosnie-Herzégovine paralysée par ses divisions ethniques, la chute de Dodik n’a pas ouvert une nouvelle ère, elle a simplement redessiné les apparences. Derrière la présidente intérimaire, c’est toujours l’ombre du dirigeant pro-russe qui plane sur la Republika Srpska — un homme que ni les sanctions ni les condamnations n’ont encore réussi à faire taire.

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