Les nouvelles sanctions américaines : une opportunité pour stabiliser le Soudan et le réintégrer dans le système financier mondial

Date:

Les récentes sanctions imposées par les États-Unis à la milice de Burhane Al-Bara et au ministre des Finances soudanais nommé par l’armée, Gibril Ibrahim, pourraient représenter une fenêtre stratégique pour mettre fin à la guerre civile et réintégrer le Soudan dans le système financier international.

Depuis avril 2023, le pays est en proie à un conflit dévastateur qui a déclenché des violences sexuelles et d’importantes crises humanitaires. Le Conseil de sécurité de l’ONU maintient jusqu’en septembre 2026 un régime de sanctions comprenant un embargo sur les armes. L’Union européenne, de son côté, a déjà ciblé la hiérarchie de l’aviation militaire pour les attaques sur les populations civiles de Nyala et d’autres zones du Darfour, selon Human Rights Watch.

En juin dernier, Washington a également instauré des mesures punitives d’un an contre le Soudan pour l’usage présumé d’armes chimiques par l’armée soudanaise, incluant la suspension des aides non humanitaires, l’interdiction de ventes et financements militaires américains, et l’interdiction d’exporter des biens liés à la sécurité nationale.

La dernière série de sanctions américaines, centrée sur les alliés de l’armée – la milice d’Al-Bara et Gibril Ibrahim – intervient parallèlement à une initiative quadripartite (États-Unis, Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Égypte) visant à instaurer une feuille de route pour le futur du Soudan. Cette dernière préconise une trêve humanitaire de trois mois, suivie d’un cessez-le-feu permanent et d’une transition civile de neuf mois, tout en affirmant l’importance de la souveraineté et de l’intégrité territoriale soudanaises.

Sur le plan économique, le Soudan connaît un effondrement catastrophique. Selon le rapport 2025 de la Banque africaine de développement, le PIB a chuté de plus de 40 % entre 2023 et 2025, avec des secteurs agricoles et industriels paralysés, des chaînes d’approvisionnement interrompues et plus de la moitié des recettes fiscales perdues. L’inflation annuelle a parfois dépassé 300 %, la monnaie nationale s’est effondrée, et le marché noir des devises s’est considérablement élargi. Les investissements étrangers se sont presque totalement arrêtés, tandis que les infrastructures éducatives et sanitaires ont été gravement affectées.

Les sanctions américaines ciblent directement la milice de Burhane Al-Bara, bras armé des islamistes et ancienne composante des Forces de défense populaire, et Gibril Ibrahim, lié historiquement aux mouvements armés du Darfour et à l’influence iranienne. Selon le Trésor américain, la milice est responsable de violations graves des droits humains, incluant arrestations arbitraires, exécutions sommaires et déplacements forcés, tandis que Gibril a collaboré avec Téhéran pour renforcer les liens politiques et économiques.

Pour les observateurs, ces mesures constituent un signal clair adressé aux islamistes et à leurs alliés : la communauté internationale ne tolérera pas le retour de l’ancien régime, ni l’instauration d’un contrôle islamiste sur les institutions étatiques. Selon Nasreddine Abdelbari, ancien ministre de la Justice soudanais et analyste au Conseil atlantique, ces sanctions ouvrent la voie à un véritable effort international pour soutenir une transition démocratique et la consolidation d’un État soudanais stable et intégré au système financier mondial.

Pour les acteurs politiques locaux, comme le président du Parti du rassemblement fédéral, Babiker Faisal, la feuille de route quadripartite et les sanctions constituent une « lueur d’espoir » pour la fin du conflit, mais nécessitent une mise en œuvre rigoureuse et un engagement international coordonné, incluant l’Union européenne, l’Union africaine, l’IGAD et la Ligue arabe.

En conclusion, la conjonction des sanctions ciblées et de la diplomatie quadripartite pourrait non seulement mettre fin aux hostilités, mais aussi offrir au Soudan l’opportunité de reconstruire son économie, rétablir la confiance dans ses institutions et retrouver sa place au sein du système financier mondial – un défi de taille, mais désormais appuyé par une volonté politique internationale forte.

Franck Belfort

Inscription Newsletter

Derniers articles

spot_img
Omerta

GRATUIT
VOIR